lundi 27 juin 2022

Back on my Trail


Il y a trois moments, durant lesquels on passe littéralement pour des extraterrestres ; pour ne pas écrire des fous. Quand on s'inscrit, puis quand on réalise un Ironman® . Entre les deux, un mois particulièrement chargé en entraînement.


Entre les deux, la véritable difficulté de l'Ironman® . Annoncer, tout guilleret, qu'on s'inscrit n'est jamais le plus difficile ; même si je garde une certaine nostalgie de ma première inscription. Terminer, une certitude, comme je me le remémorais dans mon avant-dernier billet.


Mais, durant cette période, "Personne ne vous donnera de médaille pour aller courir tous les midi. Personne ne vous encouragera pour aller rouler tous les dimanches. Personne ne vous félicitera pour repousser vos limites". Dixit le Youbeur IronUman, dans une vidéo de motivation.


Difficile de partager ses moments d'euphorie et de doute. "L'aventure ensemble ; le défi face à soi-même", comme le résume un mec qui mériterait aussi des followers : Quenotte. Chaque séance semble aussi importante que la précédente. On s'approche parfois du volume des triathlètes professionnels .... à 50% près. On dépasse toujours celui des footballeurs. Au-delà des statistiques contestables - pardon pour le pléonasme - un moment de vérité.


Tu parviens à jongler entre la vie pro et perso. Des déplacements, Parcours'Sup et le brevet. Mes filles. Rien n'est plus important.


J'ai démarré fort ce mois. David, puis Christophe me permettaient de borner avec enthousiasme, sous la canicule. Les séances passaient bien. La glisse et le rythme de course revenaient. Je passe une matinée  débout, sur un port, à manipuler des filets pour le boulot, sans la moindre gêne au dos. C'était beau. Trop beau. Mercredi, j'arrive à me défaire du canapé pour aller rouler. Mais les jambes ne sont pas là. Bloqué dans la côte d'Hénouville, avec un cardio ne dépassant pas les 60% de puls. Je mets le clignotant ; espérant que les sensations reviendront le lendemain. Rien. Craignant d'avoir choppé un truc et redoutant que cela s'empire dans l'atmosphère chlorée de la piscine, je fais l'impasse sur la séance de natation du jeudi. Je la remplace par un exercice de transition très léger. Je reste lucide. M'efforce d'écouter mon corps et de rationnaliser. Ne pas s'arrêter. S'adapter. Rester en mouvement avec des exercices de mobilité. Tourner les jambes sur le vélo d'appart', face à une vidéo ; plutôt que dehors, face à ses doutes. Enchaîner à pieds 15-30 mn. Ecouter mon corps et rationnaliser. Ne pas s'arrêter. S'adapter.


Vendredi, c'est off. Dans 2 jours, je m'aligne sur un trail de 24 km. J'avais envie de remettre un dossard et me replonger dans l'ambiance de la course. Alors, je fais comme si elle avait lieu. Et à l'approche d'une compétition, l'évangile selon Sainte Véhéma est formel : J-2, c'est off. Samedi 1h de vélo d'appart et 15mn de course à pieds. Souple. 11 km/h. Ouf. Ca a l'air d'aller mieux.


Dans la théorie, j'avais pourtant prévu de réaliser tout cela et arriver avec un grosse préfatigue : 5h de vélo la veille. Mais je suis lucide. M'efforce d'écouter mon corps et de rationnaliser. Ne pas s'arrêter. S'adapter. "Mon corps me dira merci", comme dirait Nassim dans les Petits Mouchoirs.

Dimanche matin, je me réveille assez naturellement à 7h. Cela me fait le plus grand bien après tous ces week-end, durant lesquels mon réveil sonnait plus tôt qu'en semaine. Démarre alors, la grande répétition : j'ai beau être assez féru de BTD (Big Training Day), rien ne remplace un dossard #328.

Petit déjeuner à base de Blédine. Caca de la peur. Trajet en voiture. Arrivée sur site très en avance. Parmi les premiers ; donc place de parking et retrait du dossard express. Reste 1h10 avant le départ de la course. Le temps et le plaisir de me mettre dans ma bulle. Préparation du matos. Révision du roadbook que je me suis fait, comportant les principales difficultés et les ravitos. Introspection : "il vaut mieux savoir ce qu'on cherche avant la course, que pendant". Ca, c'est de moi ! Ici je me focaliserai sur la révision et prise de confiance quant à mes capacités en run et d'endurance.

Je suis heureux de retrouver Philippe, avant de m'échauffer. Le départ ne me permettra pas de me projeter vers l'Ironman®. D'abord - et surtout - on ne démarre pas par de la natation. Ensuite, à 70, il n'y a pas de grosse cohue. Je salue rapidement Kévin et profite des premiers hectomètres avec Bertrand. A lui, comme à d'autres, j'annonce que je ne ferai pas d'Ironman® en 2023. Je suis heureux de m'être engagé dans cette voie et d'y retourner cette année. Mais il est temps de faire une pause. Mes derniers billets, comme le coup de bambou de cette semaine le confirment. Je laisse filer Bertrand et un groupe dans la première descente ; ne voulant pas me mettre à la faute physique, comme technique : ça a sérieusement raviné. Je les garde en ligne de mire, confiant. Vu le coup de cul qui nous attend, ça va se regrouper. Et ça marche ! Pas tant la stratégie, que le mode de déplacement. De quoi trouver mon groupe et mon souffle. 


Au premier ravito, j'ai à peine entamé ma gourde. Je prends un bout de barre de céréale et un petit gobelet d'eau et en avant Guingamp ! J'ai réglé l'affichage de ma montre pour y voir apparaître le kilométrage et ma fréquence cardiaque. Tout se confirme : le roadbook, comme mes sensations. Je reste donc dans le groupe sur le plat (très relatif en trail !) et m'en dégage dans une des bosses de la portion 7-10 k, que j'avais identifiée. J'aime ça. ce retour aux sensations. Gérer ma course à l'instinct. Sentir des écarts entre la vitesse et le cardio ; à mille lieux de l'indispensable course au métronome de l'Ironman
®. Back on my trail, comme le braille la chanson éponyme en haut de cet article !

Kilomètre 12 et trompette, anticipant le ravito 2 : j'ouvre un gel, en prends une gorgée et verse le reste dans ma gourde à main. Comme je l'imaginais, la taille du bouchon permettra facilement à un bénévole de la compléter d'eau. La manipulation est rapide et aisée. Check ! Restera à me faire comprendre en néerlandais le 7 août, pour renouveler la manœuvre.

On s'engage sur une deuxième boucle. Plus personne en ligne de mire pour se motiver et s'orienter. Autant à Arnhem, je redoutais la faute de parcours et l'ai vécu 2 fois. Autant là. Rien. Je suis dans cette état de sérénité et de confiance, que m'a "offert" l'Ironman®. Nonobstant la lassitude actuelle, cette discipline m'a énormément apporté. De surcroît, connaissant l'organisateur de la course, je doute qu'il manque un morceau de rubalise ! Thierry a présidé l'asso des parents d'élèves, quand mes filles étaient en primaire. Il organisait toujours les événements de façon millimétrée. Pour ce qui est de l'ambiance, on s'en chargeait volontiers avec Eric (...). Si, je puis me permettre, cher Président : t'étais pas obligé de mettre autant de dénivelé au kilomètre, que celui que tu as eu à la Diagonale des Fous ! Oui. Ca va le faire. Et ça oblige juste à ouvrir les yeux, pour profiter de la forêt. 

Je rejoins et tracte un concurrent sympa, qui se remet à la course à pieds à l'approche de la retraite. Etrangement, la facilité de ces gars ne m'agace plus. S'il a des prédispositions, tant mieux pour lui. Je fais avec ce que Dame Nature m'a accordé. C'est une sacrée source de satisfaction. Il craque un peu au semi. Et je m'évade. Encore. J'adore ce sentiment de maîtrise de course et d'évasion. Je me suis bien alimenté. Je suis endurant. Ah, ça oui. Dame Nature n'a pas voulu me faire grand et rapide. Mais, elle m'a fait petit et endurant. Et c'est parfois une qualité ...

La fin approche, je rattrape des coureurs qui empruntent le même chemin. On déconne un peu, comme j'ai pu le faire avec tous les sympathiques bénévoles croisés. Merci à eux. Ils étaient au top. Il est vrai qu'en néerlandais, ce sera plus difficile d'être marrant. Déjà, qu'en français, c'est pas gagné. Une jeune féminine nous rattrape. Mécaniquement, le groupe accélère. Les mecs lâchent. Je reste avec celle qui, je pense, est la deuxième féminine. Bingo ! A 300 m, j'observe le T-Shirt orange de la première et de son acolyte. Je l'encourage et mène le train. On double. "Fonce maintenant". La désormais seconde la félicite, très fair-play. Je m'efforce de suivre et de profiter de la vue .... Oui, c'est beau le trail. Back on my Trail.


2h28* pour boucler les 24,4km et les 570m de D+. La place est anecdotique. 28ème sur 64 arrivés ; 10ème dans ma catégorie, survolée par Philippe. A l'arrivée, souriant, il m'indique que c'était cool. "J'aime courir" me dira-t-il, sur un ton similaire à Jean Dujardin dans OSS 117 ; avant que je ne découvre sa place sur le tableau d'affichage.

Il avait déjà cette facilité, quand on s'est connu en DUT, préparant nos brevets de plongée. Pour le coup, ça m'énervait vraiment. Je lui aurait bien coupé la tête ! Ce que je fis, en cadrant la photo de son podium. Peut-être un lapsus visuel. Un sacré moment de rigolade, en tous cas. Il est vraiment trop grand et trop sympa, mon Philou !
Photo non retouchée, prise par mes soins !



Whao. Quelle pied cette course. Ce retour aux sensations. Cette oxygénation, probablement nécessaire pour aborder les dernières semaines avant Maastricht. Quoi que j'en dise et j'en écrive, l'Ironman® me fait et me fera toujours kiffer ... jusqu'au 8 août, au moins.

Back to Ironman® now !





------------------------------
* Dans la première version de ce texte, j'avais indiqué 1h28. Ce lapsus - que mes fidèles lecteurs ont rapidement repéré - confirme combien cette course est passée vite et à quel point j'y ai pris plaisir.