mardi 29 août 2023

Charly avait raison

 


Charly se dresse sur son youpala. Un pas, puis l'autre. Que faire de ces pieds, au contact d'un sol, bien plus froid que la chaleur de ses parents ? La jambe fléchit et tremble comme son buste, rempli de rires. 

Son trotteur n'avance plus. D'aucuns diraient qu'il commet des erreurs de débutant. Qu'importe ! Maman, elle, agit et l'aide doucement. Il était simplement bloqué contre le canapé.

Ragaillardi par cette assistance réconfortante, Charly repart dare - dare.

Ca va trop vite ! Faut qu'j'm'arrête. Qu'importe ! Papa est là. Il me regarde. On se marre. Qu'est-ce qu'on est bien là.

Quel joie de découvrir cela. J'existe au travers de mon corps et des yeux de mes aimants. J'existe et suis en devenir car, à coup  sûr, j'arriverai à la phase suivante : marcher.

Charly découvre de nouvelles sensations : ça l'enivre. Il prend conscience d'horizons infinis à explorer et de la puissance de cette enveloppe, en éternelle construction. Celle du rire et de l'amour de ses proches.

Ces fondamentaux*, que je peux oublier, engoncé dans un costume de "grand". Celui que j'enfile, endimanché et obnubilé par des objectifs de performance chronométrique.

Le plaisir de ces nouveaux stimuli et de dépasser mes limites, pas à pas, sous les encouragements de mes proches.



Charly avait raison.


IronLoulou




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 * Terme rugbystique oblige, à une semaine du coupe d'envoi de la Coupe du Monde de Rugby



vendredi 11 août 2023

Vacances, j'oublie tout ?

Eté 1994


J'admets volontiers ne pas partager cet adage populaire ; et encore moins ce titre du groupe français, qui ne porte que le nom d'éléganceD'autres ont bien mieux chanter les amourettes estivales. Si Heaven's Edge marqua la fin du Gelreman en 2021 avec Hold On Tonight, une balade de Bad English s'imposait ici, tant ce groupe m'accompagna pour mon défi de 2023.

Time to still (Bad English)

Au-delà de cette répartie musicale, je crois que j'ai rarement coupé, durant mes congés d'été. La préparation de triathlons longue distance succédait à celle des marathons de rentrée. Avant cela, en  2002, c'était celle de notre mariage ! Plus tôt, les jobs saisonniers. Que dire alors de ces vacances en Ardèche avec ces hollandaises qui inspirèrent deux destinations sportives et notre Guytou ? Je vous remets le lien du billet, qu'illustra cette photo d'introduction. En arrière-plan vous retrouvez Fred. Devant, à gauche d'Olivier, c'est Zoï, le chanteur des Black Design. De quoi pensez-vous que nous parlions entre deux bières et trois néerlandaises ? Je n'avais pas coupé.

Cette année, sans objectif sportif à préparer, je pouvais donc profiter pleinement de l'essentiel : mes femmes ! Libéré de l'exigence d'entraînements rigoureux, je roulais à l'envie et nageais en mer, uniquement pour le plaisir. Après tant d'années, je ne savais plus profiter de l'eau ; y compris avec mes filles. Impossible de rester tranquille 5 minutes en bord de piscine ou sur la plage, sans lunettes, ni Garmin. Je ne frisais pas la bigorexie : j'étais en plein dedans. Comme toute addiction, plus on n'y est, plus on nie.  J'étais, surtout plus à l'écoute de chacune et du rythme collectif. En guise de run, les marchés estivaux. Croyez-moi, c'est bien plus fatiguant ! Mais, rassurez vous : j'ai trottiné deux fois, histoire d'aller chercher le pain. Le triathlète se remet en route. Il n'avait pas coupé.


Même ma bibliographie estivale me ramenait irrémédiablement à mes pensées séculières.
- Les Spoèmes du livre éponyme traitent souvent de sport

- Mesure de l'effort dans les activités physiques, m'y maintenait

- Les 5 blessures de Lise Bourreau n'invitaient pas à la relaxation intellectuelle

- La Peste replongeait dans la crise du COVID


- Il n'y avait guère alors qu'un bon vieux thriller de Ludlum pour couper incontestablement



Pour autant, les qualités émancipatrices de la littérature ne furent pas démenties.

Grâce à Olivier (HERVE, pas celui de la photo), j'ai repris goût à la poésie. Pour preuve, un recueil d'œuvres d'Arthur RIMBAUD m'attend sur ma table de chevet. Les envolées lyriques sont souvent propices à l'endormissement. 

J'ai un certain affect avec cet auteur, en raison de mon patronyme. Cette photo de la journée déguisée, que nous avions initiée en Terminale, vous permettra de comprendre aisément pourquoi.





Je vous redonne le lien présentant les deux œuvres d'Olivier : https://www.fnac.com/ia10331210/Olivier-Herve . Si vous avez aimé Centre de formation, que je me récitais dans mon dernier billet, vous apprécierez l'introduction de son premier essai : Pédalées

Olivier : aussi à l'aise sur un vélo qu'avec un stylo. Et vous ne l'avez pas vu sur un vélo !

La lecture - et la compréhension ! - de l'ouvrage de théorie sportive viennent de me libérer d'une croyance limitante : "Je ne suis pas expert. Je n'aime pas approfondir les sujets. C'est une compétence d'ingénieurs". Beh, non ! Quand j'en ai envie, je peux hausser mon niveau de jeu.  Les courbes, les statistiques, la physiologie : envoyez ; j'adore ! Dans mon expérience professionnelle, j'ai toujours réussi à assimiler de nouveaux concepts, de manière inattendue : la dépendance, la maladie d'Alzheimer, l'économie circulaire, la plasturgie, etc. Un littéraire peut parler de PE, de PA ou d'extrusion, comme de neurologie. En réalité, j'ai toujours adapté mon niveau d'apprentissage, à ce dont j'avais besoin.  Il y avait alors un moment où, n'ayant plus la nécessité d'en apprendre davantage pour ma mission, je laissais le champ aux experts. J'interprétais cela comme une cause (je ne suis pas bon) et non une conséquence (je n'ai pas besoin d'en savoir plus). Prochain sujet d'expertise : l'écoconstruction.

Cela apparait dans mes billets. Même si ce n'est pas son objectif premier, l'ultra distance et ce blog me permettent de guérir certaines blessures du passé et d'échapper à certains de ses démons.  Grégor m'avait conseillé depuis longtemps le best-seller de Louise BOURBEAU. C'est fou ce qu'on retrouve de triathlètes, dans ce qu'elle définit comme le masque du "contrôlant" : l'exigence envers soi-même, le vocable de la confiance et de la capabilité, etc. Ces propos ne sont pas une panacée, mais m'ont invité à la réflexion et à l'apaisement. J'y ai retrouvé certaines réactions passées, particulièrement tranchées. Je ne supportais pas un écart dans la loyauté, que j'attendais. J'étais très exigeant, voire chiant. En un mot : exichiant ! Cela nous valu un éloignement temporaire, et des retrouvailles très sincères, avec les copains de lycée et Olivier : celui de la photo, cette fois. Une rupture probablement définitive avec le cinquième personnage : Fabien. Il n'est plus question de regrets ; simplement de s'observer. S'observer pour comprendre hier, s'épanouir aujourd'hui et prévenir demain. Les expériences deviennent des erreurs si elles se reproduisent. J'exerce un métier dans lequel le relationnel est fondamental et le désengagement de partenaires, pas toujours théorique. Le pas de côté : une compétence  à développer. La lecture ne permet donc pas d'oublier, mais d'appréciables prises de recul. 


Il en est une qui m'a enchanté : celle de Camus. Sa description de l'administration, que je côtoie régulièrement, est des plus savoureuses. Je vous retranscris le passage pour raviver la mémoire de ceux qui ont lu ce chef d'œuvre et faire sourire les autres, avec eux : 

"(...) ce genre de raisonneurs constituait la catégorie des formalistes. À côté d'eux, on pouvait encore trouver les bien parlants, qui assuraient le demandeur que rien de tout cela ne pouvait durer et qui, prodiguent de bons conseils quand on leur demandait des décisions, consolaient Rambert en décidant qu'il s'agissait seulement d'un ennui momentané. Il y avait aussi les importants, qui priaient leur visiteur de laisser une note résumant son cas et qui l'informaient qu'ils statueraient sur ce cas ; les futiles, qui lui proposaient des bons de logement ou des adresses de pensions économiques ; les méthodiques, qui faisaient remplir une fiche et la classaient ensuite ; les débordés, qui levaient les bras, et les importunés, qui détournaient les yeux ; il y avait enfin les traditionnels, de beaucoup les plus nombreux, qui indiquaient à Rambert un autre bureau ou une nouvelle démarche à faire."

Je n'imagine pourtant pas que cette citation lui ait valu le Prix Nobel. On l'expliquerait par la description fine des processus psychosociaux enclenchés dans une crise, que l'on retrouva moins d'un siècle plus tard. Et cette plume ! On pourrait s'arrêter à chaque paragraphe pour en contempler la tournure. Un régal. Je me souviens de ce jour où mon grand-père m'invectiva ; alors que je lisais d'Hans Peter Riechter : Mon ami Frédéric*. "Arrête. Ce n'est pas utile ! Va plutôt prendre un livre d'école et faire des mathématiques". Effectivement, il n'y avait pas de véritables vacances chez lui. Effectivement, lire n'est pas toujours directement "utile" à son avenir scolaire et professionnel. Mais qu'est-ce que c'est bon et jubilatoire, parfois. Je ne regrette pas d'avoir pris autant de temps pour en percevoir les vertus. Cela a fait parti de mon processus d'évolution ; dont le blog relate quelques expressions. Je me réjouis de pouvoir le partager un peu avec vous et, beaucoup, avec ma fille.

Victoire part à Sciences Po - Lille. Beaucoup seraient fiers du résultat du concours. Je suis surtout heureux, qu'elle ait passé son année de prépa avec le maximum de sérénité, dont on peut faire preuve dans de telles conditions. Le résultat n'en est qu'une heureuse conséquence. Beaucoup seraient fiers d'un tel niveau intellectuel. J'y vois surtout des occasions d'échange sur des sujets qu'elle traite ou des lectures, qu'on se conseille mutuellement. Beaucoup seraient fiers de cette destination prestigieuse. J'ai surtout appréhendé son départ. J'en ai échangé avec certains d'entre vous ; y compris avec Jérôme, longuement sur la GOLD. Je me demande d'ailleurs s'il n'y a pas feint ce coup de bambou au dernier ravitaillement, pour échapper à ma discussion. Plaisanterie mise à part, il m'est difficile de décrire à quel point cela m'a touché.  Sachez simplement que la lecture de Bourbeau et du chapitre sur la blessure de l'abandon m'aidèrent à y voir plus clair. Mais pas tant que mes discussions avec vous et elle. Je suis en paix. Le bonheur de mes filles est la seule chose qui compte pour moi.

Que je sois en vacances ou pas ; Elles, je ne les oublie pas.



IronLoulou




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* Décidément ce prénom revient souvent dans ce blog. Ce n'est pourtant pas une volonté stylistique ... enfin, pas toujours !