mercredi 1 décembre 2021

Sisyphe à Maastricht




Trois mois. Il m'a fallu trois bons mois pour descendre "ce foutu rocher", comme le nomme Vincent ; dont on reparlera certainement.


Je suis arrivé là-haut, à Arnhem, avec un sentiment de plénitude inégalé. 


Mais, qu'il défende la symbolique de la montée, comme signe d'absurdité, ou du "plaisir dans l'accomplissement de sa tâche", aucun philosophe n'en évoque la redescente. Elle n'en est pas moins questionnante.


Grimper est une évidence, car on n'a pas d'autres choix. Ne qualifie-ton pas les athlètes longue distance de "machines" ? Le corps et l'esprit savent, de concert, que cela sera difficile. Ils s'y sont préparés et s'adaptent, le cas échéant. 


Mais, la descente rime avec dépression ; celle-là même qui guette les ironmen ou ultratrailers, durant cette période. Comment ne pas songer à de formes bien plus graves, emportant d'anciens sportifs de haut niveau dans l'addiction ; voire pire ? Plus d'objectifs, plus de guidance. L'animal humain n'est pas fait pour être en hyperactivité indéfiniment. Ses ressources physiques et psychiques se sont amenuisées. Il est temps pour lui de retrouver le repos et sa frontière, ténue, avec l'oisiveté. Pourquoi et pour qui faire des efforts supplémentaires ? Entre perte de sens et perte d'essence...


Une réunion familiale et l'absence d'une promotion professionnelle attendue, laissent ressurgir quelques démons, que j'avais tenus éloignés durant l'ascension.


Car si l'Homme cherche tant à se transcender, c'est aussi pour fuir sa condition. Rousseau l'écrivit au sujet de la pitié : "douce,  parcequ'en  se mettant à la place de celui qui souffre, on sent pourtant le plaisir de ne pas souffrir comme lui". Guillaume MARTIN, le fameux vélosophe, l'étend à la générosité : "par le don, on marque sa supériorité sur autrui, on en entérine le fait que lui a un besoin que moi je n'ai pas." Voici donc les références philosophiques ; qui, j'en suis certain, vous avaient manquées.


J'expérimente donc - dans une moindre mesure - ce que beaucoup de sportifs vivent après une compétition importante. En effet, je me sais accompagné et un projet perso va animer mon année 2022, en plus du sport (...). Mais, si mon humeur reste plus constante que ma motivation à l'entraînement, un signe ne trompe pas. Je ne peux plus écouter mes "Ironsongs" ; ces musiques qui ont bercé ma préparation et le  Gelreman. J'en ai tout simplement marre. J'appelle Fred à la rescousse. Non : ni BipBip, ni Quenotte. Mais mon ami de 40 ans, qui m'en a fait découvrir une bonne partie. Il s'exécute en souvenir du bon vieux temps. J'ai quelques pistes de découverte, s'ajoutant à un morceau de l'irremplaçable Joe Satriani. Vous savez combien la musique fait partie de ma "programmation neurolinguistique" ; plus prosaïquement : ma motivation. Je reprends progressivement le goût et l'envie.


Et puis voilà. Allez savoir pourquoi ! Rien de bien à la radio, en rentrant du taf hier soir. J'enclenche machinalement la clef USB, branchée dans l'appareil. Ca commence par Anything for you de Mr. Big ; pour se terminer ce matin avec Hold On Tonight ; avant de couper le moteur au même endroit. Cette chanson avec laquelle s'acheva le Gelreman. En sortant de la voiture, j'ai des larmes aux yeux. Ca doit être la pluie ...


Cette musique, en bas dans la vallée.


Cette musique, pour me dire : "remonte ; rappelle-toi comme c'est bien au sommet". Lita Ford scandant son Kiss me deadly, qui m'inspira un billet.


Finalement, l'histoire de Sisyphe est comme la notre. Il monte et il descend. "C'est cyclique", comme je disais à Fred : BipBip, cette fois. C'est simplement que cette descente fut plus longue car, comme beaucoup, j'ai laissé énormément d'énergie, durant cette préparation de deux ans, émaillée par le COVID. 


Alors, je regarde un autre versant de cette colline ; toujours hollandaise. J'y aperçois une équipe verte qui s'y engage aussi. Pas d'autre choix que de les rejoindre : Vincent et sa bande sont trop sympas ! Surtout, Vanessa avait déjà réservé pour Maastricht dès le 1er septembre !


C'est tellement bon là-haut, avec Elles



La suite prochainement ....