samedi 7 juin 2025

Geoffrey


C’était une matinée pluvieuse, comme la Normandie en propose. Geoffrey aspirait machinalement de petites bouffées de cannabis. La fumée ne brûlait plus ses poumons depuis bien longtemps.

Geoffrey était un adolescent, dont la nervosité avait imprégné tous les traits du visage. Ses yeux hagards, agissaient comme un condensateur de l'électricité parcourant ses pommettes et son front saillants. Ses cheveux étaient hirsutes, comme traversés par la foudre. La pointe de son menton appelait les éclairs qui le nourrissaient. Son regard perçait les ondées remplissant la Seine, pour atteindre le complexe industriel de Renault - Cléon. La vitesse et les voitures étaient ses uniques passions. Cette usine ; sa seule perspective. Il y rejoindrait son père et son oncle, après que son grand-père y eut terminé sa carrière comme contremaître. Un avenir tout tracé pour un lycéen agité qui supportait péniblement l’école ; et réciproquement.

Il jeta son mégot, avant de reprendre sa marche et ses réflexions, teintées du gris du ciel. La fille qu’il convoitait l’avait éconduit, provoquant les railleries de ceux qui se disaient ses camarades. Humilié, il avait quitté son cours de mécanique avec fracas, avant de se retrouver là. Si las.

Le chemin forestier le conduisait dans les Roches d’Orival : ces falaises blanches surplombant le fleuve et comportant quelques vestiges d’habitations troglodytes. L’endroit idéal pour échapper à la médiocrité des hommes et du temps. Peut-être aussi à ses démons.

Ses pas le guidèrent jusqu’à une grotte, occultée par un grillage et un panneau d’interdiction de pénétrer. Piqué par la curiosité, il remarqua un espace lui permettant d’entrer en se contorsionnant un minimum. Il se glissa entre le métal et la paroi, avant d’en atteindre l’accès : une ouverture d’à peine un mètre de large. Il saisit son téléphone pour en utiliser la lumière et s’y engouffra. La batterie indiquait 47% d’autonomie.

Comme tous les enfants d’Orival, il avait joué dans ces cavités locales. Plongé dans ses souvenirs, il évolua avec l’insouciance juvénile qui les accompagnait. Il parvint à cette salle qu’ils avaient nommée la Geôle Maudite ; en référence aux ruines du Château Fouet, préservées en haut de la colline. Mais au lieu d’un groupe de chahuteurs, il tomba nez-à-nez avec un adulte étrange. Ses lunettes vissées sur un nez aquilin, prolongeaient son regard fixé sur son ouvrage. Sa bouche était inflexible ; ses gestes parfaitement maîtrisés. Il grattait et photographiait un pan de craie, sans se soucier de cette nouvelle présence. La chute d’un silex, succédant à un léger grondement, le tira de son travail méticuleux. Il aperçut Geoffrey et le salua timidement. Avec un léger bégaiement, sa tête tournée vers le sol, il l'invita à ne pas entrer dans sa sphère. Ce dernier obtempéra bien plus par surprise que par crainte. Il éteignit l’application de son portable et fit un tri, plein d’amertume, dans ses photos. Il affichait 35%.

 L’inconnu s’éclairait avec un dispositif étrange. Accroché à son casque, une coupole de cuivre reflétait une flamme. Sa lumière projetait des ombres, dansant sur les murs et plongeant la pièce dans une ambiance paléolithique oubliée. Des lignes sombres avaient remplacé les peintures rupestres. Parallèles, elles semblaient se rapprocher à mesure qu’elles se situaient à proximité du plafond. Le spéléologue se retourna et expliqua leur lien avec l’accélération du réchauffement climatique. Puis, il s’agita, en pointant du doigt une proéminence, qu’il désigna comme une preuve irréfutable du drame. Un bruit retentissant donna de l’écho à sa démonstration. Des blocs de calcaire s’étaient détachés du plafond de la cavité. Il se redressa : « 

-          Vous…vous…vous voyez. L’eau s’est gorgée de l’acidité de la…la… l'atmosphère. Elle détruit un édifice me…me…millénaire

-          P't'être, mais faudrait penser à s’barrer », s’inquiéta Geoffrey. 

Une réplique plus forte résonna. Mu par un réflexe insoupçonné, il évita de justesse un bloc de pierre. S’il ne l’avait pas blessé, le volume de cet objet minéral avait obstrué une bonne partie de l’entrée. Le garçon se précipita vers le faible interstice qui restait, lorsqu’il fut agrippé par l’ancien. Il vociféra. Le ton montait à mesure que sa peur l’envahissait. Son vis-à-vis le maintenait mais ne pipait mot. Ses yeux étaient immobiles ; hypnotisés par une clé de voûte naturelle. Elle céda dans un tonnerre assourdissant. Ainsi liés dans un mélange d’animosité et de solidarité, les deux malheureux se précipitèrent dans une alcôve.

Les secousses durèrent un temps interminable. Geoffrey n’aurait su l’évaluer en secondes, en minutes, voire même en heures. Ses seules unités de mesure étaient celles de son angoisse croissante et celles de l’énergie de son téléphone : 23%.

Le panache de fumée peinait à se résorber. Guidés par un instinct grégaire, les deux animaux diurnes s’étaient blottis l’un contre l’autre. Ils reposaient leur visage sur le torse de leur alter-égo, pour limiter l'absorption de la poussière. Ils en protégeaient la tête avec leurs bras. Lorsque Geoffrey perçut - ou espéra ? -  un retour au calme, il se tourna vers son compagnon d’infortune. Il lui ordonna de se remettre en route. Mais celui-ci demeurait silencieux. Il était figé, malgré ses secousses verbales et physiques. Seul le reflet de sa lampe, bougeait dans ses yeux immobiles. Il fallait changer de stratégie. La situation périlleuse l'exigeait. Sondant sa mémoire, il reprit les attitudes des éducateurs qui tentaient de contourner son impulsivité. « 

-          Comment vous-vous appelez ?

-          

-          Monsieur ? Je peux vous appeler par votre prénom ? C’est comment ?

-          Fa…Fa… Fabrice. Je suis chercheur.

Avec une telle dégaine, j’aurais deviné tout seul ; songea Geoffrey, avant de reprendre : faut y aller Fab’ - je peux t’appeler Fab ? - On va par où à ton avis ? » Celui-ci indiqua un goulet très étroit. Il n’était pas très engageant, mais c’était la seule issue. Le jeune homme avait scruté l’environnement avec son portable et n’avait rien vu d’autre : 18%.

Le passage était légèrement plus large que celui que l’adolescent avait emprunté, en entrant dans la grotte. Il rampait de la même manière. Pourtant, il en percevait désormais tout l'inconfort. L’humidité du sol rafraîchissait son torse et rendait ses appuis imprécis. Les odeurs d’aven saturaient son odorat. Il devinait l’existence de chauve-souris, identifiées par le fumet de leur guano ; mais tentait d’ignorer celle des araignées troglophiles.  Il grelottait malgré la thermorégulation géologique ; davantage d’effroi que de froid.

Il retrouvait le souvenir d’un étouffement, qu’il avait enfoui. Il songeait aux joyeuses batailles d'oreillers d'enfant, qui se terminaient dramatiquement. Il se défendait avec fougue. Mais son frère le dominait toujours et le raillait. Compressant sa cage thoracique de tout son poids d’aîné, il recouvrait son visage et ses pleurs d’un polochon. Un soir, il avait cru mourir. Il avait abandonné la confiance en sa fratrie et en son corps à cet instant. L’emprise et la texture de la pierre avait remplacé celle du coussin fraternel. Mais l’obscurité et la dyspnée étaient les mêmes.

Il progressait dans une nouvelle galerie, plus étroite que les précédentes, lorsqu’un grand frisson le parcourut. Il venait de passer ses mains dans la voie ouverte par son guide, lorsqu’il constata avec horreur que son torse restait bloqué. Il tenta d’abord quelques mouvements chaloupés de son bassin. Mais celui-ci ne se dégageait pas. Il se débattit plus fortement. Il bougeait comme un damné ; comme ce canard que son oncle fermier avait décapité, avant de le préparer pour le déjeuner.  Le palmipède s’était échappé et avait couru jusqu’à la mare, sans sa tête. Geoffrey avait huit ans. Il avait beaucoup ri en voyant cela. Il en avait désormais dix de plus. La situation ne prêtait plus à sourire. Il n’avait pas avancé d’un ergot ! Rien n’y faisait. Il ne parvenait pas à s’échapper. Il était à nouveau prisonnier.  La bataille était terminée. C’était la dernière. Il laissa échapper un dernier râle : «  

-          Fab’

-          (...)

-          (...)

-          Ca…calme - souffler - trois fois - bouche -  respi un - nez (...) Enc…encore. »

            L’homme prêtait à rire au premier regard.  Mais il n’avait d’autre choix que de suivre ses instructions, sans en comprendre la finalité. Un nuage de brume s'échappa de sa bouche dès la première expiration et de la toux qui l’accompagna. La même que celle qu’il avait eue, lors de son premier pétard. « Mais. Oui. Ça je sais le faire ! ». Geoffrey eut l’intuition que l’usage de son expertise peu avouable, lui permettrait de se retrouver dans le même flow. Ce sentiment de flotter avec une sérénité, cruciale en de telles circonstances. Il s’appliqua donc à exécuter ce qu’il savait faire : jouer avec la fumée ; avaler et cracher à volonté, au point de pouvoir dessiner des cercles. Il fixait le pétillement de l’éclairage frontal de son compagnon : une étoile dans cette nuit singulière. « Se concentrer ; gonfler les poumons ; former un rond avec sa bouche ; souffler ; recommencer. Recommencer. Recommencer ».

Après quelques instants, il sentit un calme relatif. Il n’hyperventilait plus. Ses poumons n’étaient plus saturés d’oxygène. Leur volume s’était réduit avec celui de sa cage thoracique. Il pouvait s'extirper sans peine et avec satisfaction.

             Fabrice observait l’adolescent. Taciturne, il avait rarement goûté à une présence aussi longue. Sa solitude lui évitait la crainte d’être rejeté. Il avait choisi un métier le dispensant de la compagnie de ceux qui pourraient l’importuner. L’intello, le binoclard et le bègue n’étaient plus moqués. Il était tranquille, jusqu’à l'arrivée de cet agité, qui risquait de compromettre ses travaux. Il avait fallu également lui faire comprendre les dangers encourus, après l'éboulement. Et puis, finalement, il était redevable envers ce môme qui l’avait sorti de sa léthargie. Peut-être même pour davantage que cela. Le gamin avait un sale caractère ; mais il avait suivi ses pas et ses conseils. Fabrice avait toujours souffert de se sentir mésestimé. En ce moment si particulier, quelqu’un se tournait vers lui, avec une infinie reconnaissance. C’était un bien, plus précieux que tous les minéraux prospectés dans les entrailles de la Terre. Il commençait seulement à en percevoir le scintillement.

            Il se recentra sur sa mémoire du lieu. Après l’effondrement, le seul exutoire possible les menait dans le Réseau du Pastaga. Il devait être vigilant à ne pas s’y engager trop profondément. S’il manquait l’embranchement souhaité, il risquait de rejoindre le Réseau des Cétacés, amenant plus loin dans la falaise et vers l’inconnu. Leur salut se situait en effet dans deux réseaux secondaires devant se situer Main Gauche.   Aidé de sa lampe acétylène et de ses souvenirs, l’universitaire avançait prudemment. Obsédé par l’organisation et le contrôle, il n’anticipait pas aussi bien qu’il le souhaitait les répercussions de la démolition de l’entrée principale.

Lorsqu’il trouva enfin la jonction attendue, il interrogea Geoffrey : « Le…le RF6 est le plus direct ; mais le plus étroit. 

-       Prenons-le. La batterie de mon téléphone sera bientôt en rade »

            Ils s’engouffrèrent dans un tunnel, plus étrange que les précédents ; inquiétant le plus novice des deux.

-       Pourquoi est-ce qu’on monte comme ça ? Il faut escalader pour arriver tout en haut, près du château ; c’est ça ?

-         Les réseaux ne sont pas horizontaux mon jeune ami. Nous étions légèrement descendus. Nous devrions aboutir sur le sentier par lequel tu es arrivé. Imite tous mes gestes. Ça va bien se passer.

Geoffrey fut surpris par le ton de cette voix qui s’affirmait ; le rassurait. Il était attentif aux consignes de son mentor du jour. Il s’appropriait chacune de ses postures et se concentrait sur sa respiration. Les contorsions nécessaires à son évolution lui faisaient prendre conscience de la finesse de chacune de ses articulations. L’épaule pouvait effectuer quantité de rotations. Elle permettait d’aller chercher des prises lointaines avec son bras. Elle permettait de libérer le milieu du dos de sa veste, accrochée à un silex, grâce à une souplesse inexplorée. Le bassin permettait bien plus que l'obscène agitation avant-arrière, qu’il singeait avec ses copains. Il devenait un outil de reptation appréciable. Il intériorisait tout cela, avec un plaisir grandissant. Il oubliait progressivement le monde extérieur, quand soudain …

Un bruit sourd.

Un craquement discret d’os brisé.

Un cri violent.

Sa béquille identitaire silencieuse et sans batterie

« Fab’ ? »

            En guise de réponse, il perçut des gémissements. Il avança sa main droite pour ramper dans cette direction maudite. Il s’écorcha en la reposant sur ce qui devait être du calcaire. A sa place, il avait heurté le tranchant d’un caillou. La galerie s’était effondrée. Dans une obscurité totale, ses craintes et sa violence allaient exploser. Son poing, imbibé de sang, se refermait. Il serra sa mâchoire avec la volonté de briser ses dents, comme il aurait voulu pulvériser cette roche, constituée d’une matière similaire. Crispé, il ferma les yeux et se souvint : calme - souffler - trois fois - bouche -  respi un - nez

Cette enveloppe, que le flirt désiré avait rejetée. Cet outil qui lui servait à provoquer ou à fuir. Ce corps … Son Corps. Il pouvait être utile ! Il n’avait pas la vue, mais pouvait utiliser ses autres sens. Le système tactile pour percevoir le filet d’air passant entre les gravats et les dégager avec finesse. La proprioception pour envisager où il se situait par rapport à son camarade et à la sortie. L'ouïe, pour l’entendre le remercier. L’odorat pour sentir …

… l’air libre !

 Il saisit l’avant-bras de Fabrice pour l’aider à s’extraire du labyrinthe. Pour la première fois, il perçut une expression sur son visage. Un sourire.

Fabrice avertit les pompiers avec son téléphone. Ses indications étaient claires. Il était dans un état de sérénité, qu’il n’avait jamais ressenti ; nourri par cette confiance que son compagnon lui avait offerte et que cette libération avait provoquée. Les secours arrivèrent vite. Bien trop vite pour prendre le temps de partager des mots, qu’ils ignoraient encore. Ils venaient juste de découvrir un pan d’eux-mêmes et la force de la solidarité.

Le lycéen déclina l’ambulance. Il souhaitait rester seul ; mais pour une toute autre raison, que celle qui l’avait amené ici.

 C’était un panorama radieux, comme la Seine en offre. Geoffrey prit une grande inspiration. Jamais il n’avait pris autant de plaisir à gonfler ses poumons.

 

 

                                                           A Rouen, le 7 juin 2025

Josselin Dubourg


jeudi 29 mai 2025

Dis Papa ...



 - Dis Papa, tu t'ennuies pas toute la journée sur ton vélo ?

La pertinence des questions de Victoire, ma fille aînée, m'a toujours fasciné. Ca tombe bien, elle veut en faire son métier. Ca tombe bien, j'ai eu quinze heures pour y réfléchir et lui répondre.

« 
Hier, j'ai participé à un brevet de trois cent kilomètres, organisé par le Vélo Club de Canteleu. La pluie et la distance avaient dissuadé nombre de participants, de sorte que nous ne fûmes que deux inscrits. Mais Pascal, l'organisateur, eut la gentillesse de maintenir l'épreuve. Mieux, il proposa de nous accompagner un "bout de route".



Nous sommes partis avec grande prudence, bien calés sur le rythme de ce cycliste aguerri. Peu avare de paroles et de partages, il nous a fait profiter de son expérience du Paris-Brest-Paris. J'étais d'autant plus attentif que je vise cette épreuve en 2027. Dans de telles conditions, le temps passait vraiment vite. Après Dieppe luttant contre le vent et le dénivelé, il nous invita à poursuivre sans lui. Sa décision était sage ; comme l'homme. Agé de plus de soixante cinq ans, il a roulé à près de vingt-quatre kilomètres heure. C'est très impressionnant. Le "bout de route" dura cent kilomètres.

- Dans l'ultra-distance tout est relatif ! 

Nous avions convenu de lui envoyer des photos en guise de point de contrôle, délaissant le coup de tampon des commerçants sur le carton orangé : une entorse à la tradition ! Après Blangy sur Bresle, nous avons filé contre le vent (pas comme !) vers Aumale. La circulation sur la route que nous empruntions nous empêchant de rouler à deux de front, chacun restait dans sa bulle. Je profitais des prolongateurs pour effectuer de longs relais à l'avant ; désireux de prendre une pause déjeuner et une revanche contre le Dutch Wind : le vent vif des Pays Bas. Les pensées défilaient comme les kilomètres, sur un air approprié de Bon Jovi.

Wild Is The Wind

Pour la première fois, je retrouvais des bosses et une météo similaires à celles que j'avais connues lors de mon abandon sur l'Ironman de Maastricht. Pour la première fois, je ne luttais plus contre les éléments et le chronomètre. Pour la fois, je me sentais définitivement apaisé.

- Pour passer le temps, on peut aussi parler à Zéphyr et à soi-même.

A Aumale, mon compagnon trouva un bon spot : un banc, un cour d'eau et une boulangerie pour nous abriter du vent. Pascal nous y rejoignit alors que nous apprêtions à partir. S'il se plaignait du cou, son regard exprimait la détermination. Il allait terminer. Peu importait les délais. C'était une certitude. Cette attitude qui fait la beauté de cette pratique.

Avant Gournay, les conditions était plus favorables pour discuter avec Groyom. La magie de Strava nous a réuni. Il y a deux ans, je lui piquais un KOM : un record de chrono sur une portion prédéfinie ; puis des parcours en Forêt de Roumare afin de découvrir de nouvelles chemins. Nous nous suivîmes mutuellement sur ce réseau social de sportif jusqu'à ce jour où il m'interpella, alors que je courrais dans les rues de notre ville. On échangea nos numéros de téléphone et la promesse de rouler ensemble. Notre premier rendez-vous eut lieu à un bureau de vote, à l'occasion des élections législatives. Le courant passa très vite: même envie de long et de vert. C'est un amoureux de la nature. Le compagnon idéal pour passer l'hiver et les sorties longues : cette année nous avons enchaîné les cent bornes comme des perles. Un deux cents, sous le cagnard, et ce trois cents.


Le retour sur les routes principales nous invita à nous remettre l'un derrière l'autre. Je reprenais mon travail en position aérodynamique à l'avant avec autant de plaisir dans mon dialogue interne et un peu moins de force dans les jambes. Les kilomètres et le vent commençaient à user. Je protégeais ainsi Groyom, moins à l'aise dans ces conditions. Je lui devait bien cela. Je me souviens et le remercie encore de m'avoir aidé à bouclé notre périple du premier mai, réalisé dans la chaleur que je supporte mal. Et je me doutais qu'il serait précieux sur la fin de parcours très vallonée qui nous attendait.

Dès la sortie de Vernon, la Côte du Père Adam, me repositionnait à ma condition de simple humain du Sixième Jour. S'en suivait celle de Port Mort (comme moi !) et celle de Tuit, offrant un joli point de vue sur la Seine : je frise le pléonasme tellement j'aime notre fleuve. Groyom devait s'arrêter pour prendre une photo. Ce que je pouvais éviter, compte tenu de l'allure piétonnière à laquelle je grimpais.


Il m'encourageait et souriait ; fidèle à lui-même, constant dans son humeur et sa béatitude. Jamais je ne l'ai vu pester ni souffrir sur le vélo. Autant des gens peuvent te transmettre leur stress, autant lui t'irradie de sa sérénité. Christophe me qualifie parfois de Maître Zen quand je le conseille sur ses entraînements. J'ai hâte qu'il rencontre Groyom ; et pas uniquement pour apprécier cela.

- La véritable Solidarité existe. Elle se mesure sur le long terme.

Il m'attendit en haut de la Côte Jacques Anquetil, qu'empruntera le Tour de France cet année. Je profitais de la pelouse d'entrée de ville pour reposer mes pieds. Ils avaient gonflé et eu la délicatesse d'attendre deux cents quatre-vingts kilomètres pour me le faire savoir. 

Je me savais dans un temps faible. Un "down", comme le qualifient les nouveaux chantres de l'épanouissement personnel. Du perso au pro, on en a tous. 

- La question n'est pas de savoir pourquoi on s'y trouve, mais comment on les passe.

L'arrivée dans la métropole rouennaise me permettait de me réalimenter et m'hydrater correctement. Restait alors à profiter de  ses aménagements cyclables ; toujours attentionnés, parfois incompréhensibles. Restait alors à effacer la Côte de Maupassant, où notre grimpeur s'envolait une dernière fois. Restait à se congratuler pour cette aventure. Restait à fixer la prochaine : l'Etoile Normande !





- Le vélo. Quel meilleur prétexte pour échanger avec des copains et avec sa fille adorée ?

»
La vérité sort de la bouche de mes enfants. Cela m'a toujours fasciné.


IronLoulou





Aumale

Gisors

Les Andelys

Pascal





mercredi 16 avril 2025

Paris-Roubaix : rendre inévitable ce qui semblait impossible


Sur le siège arrière de la navette qui nous conduit au départ, les yeux fermés, je me répète ce mantra : l'entraînement sert à rendre inévitable, ce qui semblait impossible. 

Cela fait huit ans, que je pratique l'ultra-distance ; que j'emmène mon corps, mon esprit et leurs limites de plus en plus loin.

A l'approche d'une épreuve, j'aime à réciter cette incantation. J'ai confiance dans ma préparation. Depuis les vacances de la Toussaint, j'ai passé plus de dix mille heures sur une selle. Quelques-unes avec de chouettes personnalités.
La Bande à ChriChri
Groyom (glacé)
David des Flandres (2024)

J'ai regardé avec une grande attention le Tour des Flandres, consacrant Tadej Pogačar. Le voyant attaquer dans le Paterberg, je me demandais comment j'avais passé ce monstre sur le vélo l'année dernière. Comment, j'avais réalisé l'impossible montée, tandis que beaucoup avaient mis le pied à terre. C'est pourtant simple : je m'étais entraîné. Je souris alors, car je sais comment s'achèvera ce nouveau monument du cyclisme : c'est juste inévitable.

Mon compère David me réveille. Un autre David. D'autres pavés. Encore une longue journée de vélo. Si vous observez ce portrait, vous devinerez deux choses : un, on a fait Paris-Roubaix ; deux, David est un super mec.

Le départ est donné par vague d'une cinquantaine de concurrents. Cela nous rappelle notre jeune temps de triathlètes. Après l'accolade de rigueur, nous nous lançons dans l'Enfer du Nord. Il y a six semaines, nous avons reconnu la majorité des cent-soixante-quatorze kilomètres du parcours. La distance est légèrement inférieure à celle des professionnels, mais nous aurons les mêmes pavés. Nous en découvrirons le chaos, qui secoue le corps et les machines ; les rudesses et les risques de crevaison comme de chute. Des petits paquets nous doublent, mais nous ne sommes pas inquiets :  "soit ils sont plus forts ; soit on les ramassera à la fin".

Nous progressons avec prudence et entraide. Lors du transport des vélos par l'organisation, mon vélo était tombé. David avait resserré mon jeu de direction pendant que j'étais dans un endroit stratégique : celui où on passe le moins de temps possible avant une course ; et où l'on s'attarde chez soi avec un téléphone ... Par réciproque, je m'occupe de remplir sa gourde, lorsqu'il se vidange au premier ravitaillement. Nous sommes en parfaite harmonie. Dès que l'un d'entre nous s'hydrate ou s'alimente, il fait signe à l'autre. Cela évite ces oublis qui coûtent si cher sur la longue distance. Tous ces éléments symbolisent la solidarité, que j'apprécie tant dans cette discipline. Celle dont nous faisons œuvre depuis trente ans. Trente années qu'on se connaît, comme trente secteurs pavés : c'est un signe. Cela étant, on les enchaînera avec moins de facilités que les teq-paf d'antan. On sera probablement aussi défaits le lendemain ; mais bien plus satisfaits et heureux par la suite. Ceci était un message de prévention du MMS : Ministère de Ma Santé.

Les pavés s'enchaînent avec des pertes de bidon et des crevaisons des concurrents. Je croise les doigts. Nous sommes équipés de pneus larges (38') pour limiter le risque. Mais cela ne l'exclut pas. L'autre paramètre à gérer se confirme : la chaleur attendue : 23-25°C. Il est à peine dix heure et j'ai déjà ôté coupe-vent et manchons. Vanessa sait que je n'aime pas trop ces conditions. Elle craint le coup de chaud. Alors, je bois et m'efforce de pédaler en souplesse. Le fait d'être avec David m'aide considérablement. Même si je me sais plus en jambe à cet instant, je m'efforce de rouler au meilleur rythme pour l'emmener. J'entends de là Quenotte, ce capitaine de route qui m'a accompagné sur bien des défis : "si tu appuies trop, tu ne protèges plus ton copain ; tu t'épuises et tu l'épuises pour rien". Avec David, nous nous sommes promis de faire l'intégralité du parcours ensemble. Alors je me concentre là-dessus.

Je pense aussi à Pierre-Yves. Il y a deux semaines, nous avons réalisé la fin de l'étape du Tour de France, qui s'achèvera à Rouen. C'est un final très accidenté : près de huit-cent mètres de dénivelé positif en cinquante kilomètres et six bosses. Nous n'avons pas pris la dernière car il était épuisé. Cela a quelque peu terni cette belle fête : son premier cent kilomètres et de beaux progrès depuis dix-huit mois. Je m'en veux encore. J'aurais dû temporiser. Il me suivait avec allant ; mais le rythme était trop rapide pour lui. Moi qui prétends conseiller par la plume et par le verbe, je dois le concrétiser davantage par l'action. Cela renforce mon application dans cet exercice singulier : la guidance à deux roues.




Parcours sur ce lien 

Pour nous, comme pour les pro, la course commence véritablement à La Trouée d'Arenberg. Nous l'avions prise, lors de notre reconnaissance. Conclusion : il y a les pavés et il y a la Trouée. Dans les pavés, tu essaies de contrôler le vélo et les vibrations, en allant à bonne vitesse. Là, tu subis totalement chaque aspérité, mettant au supplice la machine et l'homme. On ne peut plus le définir comme conducteur : ses trajectoires sont hasardeuses. Il ne doit son salut qu'à quelques règles physiques, que je ne saurais expliquer : tant que le vélo avance, personne ne tombe. C'est déjà pas mal. Je profite d'une bande d'herbe sur le côté pour y rouler, afin de reposer mes articulations et mes nerfs. David, lui, réalise l'intégralité du tronçon sur les pavés. Il y a dans son regard une détermination forte et intime ; sur ces mains, de futures cloques ; sur son visage, un sourire qu'il gardera plus longtemps. Je le félicite. 
Cela semblait impossible et il l'a fait. Moi, j'ai préféré éviter la Trouée.


Il a concocté un récapitulatif très précieux, que nous avons collé sur nos cadres. Il comporte notamment la longueur des sections et du répit qui suivra. Cela m'a aidé à découper ma course. C'est un conseil de préparation mentale aussi facile qu'essentiel. 

Cent-soixante-quatorze kilomètres, dont cinquante de pavés : c'est impossible ; parcourir six tronçons d'une trentaine de kilomètres, c'est inévitable.

J'avais donc planifié : Départ - Arenberg - Ravito 2 - Monts en Pévèles - Ravito 3 - Carrefour de l'Arbre - Vélodrome de Roubaix. Les plus grosses difficultés de la course et la bouffe. Basique.

Depuis Arenberg, nous faisons route commune avec des cyclistes alignés sur des parcours moins longs. Cela augmente le niveau de risque et diminue le plaisir. Nous cohabitons désormais avec beaucoup de coureurs. Ils sont parfois moins expérimentés, lents et peu sûrs ou, à l'inverse, plus frais et énervés.  David s'agace lorsque ces derniers se rabattent devant lui de manière trop vive. J'ai gagné en aisance et en zénitude : je trace ma route. Toutefois, j'attends avec impatience le deuxième ravitaillement. Pour moi, ce n'est pas la tête, mais la plante de pied gauche qui chauffe. La circulation a du mal à se faire dans cette extrémité, à force d'être secouée et que je compresse mon périnée, en me penchant sur mon guidon pour le contrôler. 

La base de Beuvry-La-Forêt sature de cyclistes désireux de s'alimenter. Il y a une queue impressionnante pour remplir les bidons en eau. Il n'y a déjà plus de boisson énergétique. Heureusement, nous avions prévu nos propres rations. Nous avons dépassé la mi-course. Il est 11h30. Tous ces éléments nous incitent à allonger notre temps de pause. Au menu : débriefing, anticipation de la suite, décongestion des pieds, dégustation du traditionnel sandwich salé home-made et envoi des nouvelles aux supporters. Big Up à Anne. Je connaissais la femme de David et la kinésiologue ; j'apprécie désormais l'accompagnatrice. Sans flagornerie, je l'ai déjà écrit et le répéterai toujours : votre aide à une importance considérable dans la réussite de notre entreprise. L'économie de fatigue sur le trajet, l'intendance, la cuisine et le sourire. Hier, Mél et JC sur le triathlon du Doussard ; Jean-Charles à l'Ironman de Vichy ; Oksana et Dima, pour celui de Copenhague ; Peggie lors de la Gravel of Legend ; aujourd'hui, Anne. Merci !


Sur mon téléphone, je trouve le message d'encouragement des Pape. Ils sont talentueux et coutumiers du fait. La photo est inévitable. Des amis comme ça, impossible à trouver.
Nous reprenons notre progression à bonne allure ; faussement surpris par cette évidence : quand on a du carburant (sucre) dans le moteur, ça avance mieux. Plus l'effort s'allonge, plus l'alimentation et l'hydratation deviennent déterminantes dans la performance. On continue de beaucoup communiquer et de s'encourager à manger (une prise de solide toutes les demi-heures) et boire : toutes les dix minutes et à l'issue de chaque secteur pavés. "Concentrés" et "concernés" deviennent nos leitmotivs. David se sent bien. Il a vu combien l'abris d'un peloton permettait de s'économiser. Un nouveau groupe nous rejoint. Je l'observe. Il ne prend pas les roues. Je le chambre : "t'aimes pas les watts gratuits !" Il m'explique qu'il ne souhaite pas faire l'effort de trop et préserver sa régularité. Il a raison : l'accumulation de sollicitations ou d'erreurs - même minimes - se payent au prix fort sur de telles distances. Il a raison de suivre son cardiofréquencemètre et son expérience de quintuple finisher Ironman. Il a raison, surtout, parce qu'il le dit et qu'on a décidé de rester ensemble. Point ! Une part de moi est compétitrice. Je ressens une légère de déception en laissant passer cette opportunité. Mais, elle serait sans commune mesure si je ne terminais pas, main dans la main, avec mon Ami : c'est impossible

Paris-Roubaix est une course spécifique, qui  nécessite de l'endurance et de la résilience. Ce terme politiquement galvaudé, s'applique parfaitement ici. Les secteurs et les efforts s'enchaînent très régulièrement. Plus de trente fois, il faudra s'appliquer et résister, avant de se relancer. J'étais confiant dans le plan d'entraînement, que j'ai élaboré et réalisé. J'en suis désormais fier et heureux de l'avoir adapté pour Christophe, alias Mon Poulain : il prépare une épreuve similaire dans deux mois. Je prends toujours plaisir à concevoir ses séances, échanger avec lui et le voir progresser. Il y a tant de choses qui semblaient impossibles à ce quinquagénaire, qui s'est mis au sport sur le tard. Pour la deuxième fois, il va enchaîner deux épreuves d'une dizaine d'heures d'efforts, en deux semaines. Chez lui, c'est devenu inévitable

J'ai toujours enseigné à mes filles que "quand on s'entraîne, on progresse". Un conseil qui s'applique aux études et dans bien d'autres domaines. Une manière plus adaptée de formuler mon mantra au langage des enfants, qu'elles ne sont plus.  Mais un signe demeure, que je reproduis en croisant un photographe : les deux doigts sur mon cœur qui leur appartient.

Je protège David sur le plat. Il me guide sur les pavés. Il y prend vraiment son pied. Et le mien me fait de plus en plus souffrir. Le sang stagne sur mon gros orteil gauche et le brûle. Imaginez que vous vous le cognez cinq à six minutes - le temps d'une portion pavées - sans discontinuité. Plus précisément, cela ressemble aux douleurs liées à un panaris. Les trois kilomètres de Mons-en-Pévèle me mettent au supplice. Dès la sortie, j'applique une solution que j'utilisais sur Ironman : sortir mon pied de la chaussure et continuer de pédaler en le laissant à l'air libre. Les puristes argueront que c'est moins efficace pour l'aérodynamisme et l'utilisation de la force motrice. Ce à quoi, je répondrais par ce râle de contentement, qui accompagna ce mouvement libératoire. C'était inévitableImpossible de faire autrement.

Notre épreuve précédant celle des coureuses professionnelles, l'organisation a fixé des barrières horaires à partir du ravitaillement de Templeuve. Si nous ne les respectons pas, nous serons déroutés et n'aurons pas la joie de terminer sur le mythique Vélodrome de Roubaix. C'était la crainte principale de David lorsque nous nous sommes inscrits. Lorsque nous arrivons à ce point de contrôle, nous avons plus d'une heure d'avance. Nous faisons une halte rapide car, ayant tout anticiper avant, nous n'avons qu'à remplir nos gourdes d'eau ... et m'asperger ! Il est 13h30 : le soleil tape dur sur ce sol clair et caillouteux. Je regarde mon acolyte et lui glisse cette tirade des années quatre-vingts. 
Ce qui était impossible devient inévitable.

Il reste une vingtaine de kilomètres. Les panneaux de décompte à destination des élites sont visibles : 25-20-15-10.... Surtout, moins de huit secteurs pavés. Le compte à rebours commence. Une astuce mentale, qui fonctionne aussi bien qu'elle est grisante. Las ! A Camphin-en-Pévèle, mon orteil en surchauffe m'oblige à ressortir mes pieds des chaussures. Mais le redoutable Carrefour de l'Arbre et ses cinq étoiles arrivent trop vite. Je ne pourrai pas les remettre en roulant sur un terrain aussi accidenté. Je descends de mon vélo et enjoins David à poursuivre seul. Chacun doit attaquer les secteurs à son rythme, surtout lorsqu'ils sont difficiles. Comme prévu, j'ai souffert ; comme prévu, il m'a attendu. Ce n'est pas parceque ce n'est plus impossible et que c'est inévitable, que c'est une partie de plaisir ! 

David a alors cette idée géniale de nous replonger dans un souvenir indélébile : le Marathon de Paris 2004. Comme cette épreuve du jour, nous l'avons préparé ensemble. Comme cette épreuve du jour, nous l'avons couru et terminé ensemble. Comme cette épreuve du jour, chacun avait eu un moment "sans" et l'autre l'avait toujours soutenu. Comme cette épreuve du jour, nous encadrerons la photo d'arrivée et l'accrocherons dans nos domiciles respectifs. C'est inévitable.

Je suis relancé. La délivrance approche avec le dernier secteur à deux étoiles. Rien et tout à la fois. Après cent-soixante-dix kilomètres, vingt-huit portions pavées et ce problème de circulation ; c'est presque trop. J'accélère pour abréger mes souffrances et celles de mon vélo : les spécialistes percevront à quel point la chaîne est détendue.

Reste alors ces derniers kilomètres, toujours aussi émouvants. Tu te retournes et observes le chemin parcouru pour en arriver là. Sur la course, comme aux entraînements. Sur le vélo, comme dans ta vie. D'où tu viens et où tu parviens : en force physique et psychique, sur un vélo comme pour le perso. Tu te tournes sur ta droite, pour voir ton confrère. Je songe à notre préparation, notre solidarité et notre complicité ; sur le vélo, comme ailleurs. Celles qui ont r
endu inévitable ce qui semblait impossible. Celles que je n'oublierai jamais.

Cela me rappelle la présence de Quenotte à mes côtés, en achevant les trois-cents-vingt kilomètres de la Gravel Of Legend. Je pleurais, mais il ne l'a pas vu car il faisait nuit. Je pleure, mais David ne le voit pas car mes lunettes sont très larges. 

Nous entrons ensemble dans ce vélodrome de légende. Nous écrivons la notre. Anne et mon Petit Frère, mon premier fan, nous applaudissent. C'était inévitable. Mais tellement fort.




Cette arrivée, ce sont des mains et des hommes, qui ne se sont jamais déliés. 

Solidaires.

Dans les bons, comme dans les mauvais moments.

Toujours Amis, après trente ans ; c'était inévitable

Je vis et je vibre l'ultra-cyclisme, comme une catharsis.




IronLoulou, Catharcycliste