vendredi 22 décembre 2023

Levons le secret


Levons le secret, puisque c'est la période.

Levons le secret et sortons de ces illusions, qui nous bercent depuis toujours. 

Levons le secret. Non, le Père Noël n'existe pas. Pas plus que cette courbe de progression continue du sportif.


On nous compte l'histoire d'un boxeur de quartier, qui deviendra champion du monde.

On nous chante les louanges de ces sportifs trop petits, grandis à force de travailler : Dupont ou Messi.

On nous raconte celle de l'intello, piqué par une araignée radioactive, qui deviendra super-héros.

Mais personne n'explore cette intimité hivernale. Cette intersaison et la redescente du pic de forme. Cette disparition des sensations et du chrono.

Ces jours qui ne cessent de réduire, quand ils ne sont pas pluvieux. Ces virus qui m'affligent. Ah, si j'avais chopé autant de filles au lycée que de saloperies en ce moment, Jo et Manu ne seraient pas des légendes ! 


Levons le secret : personne ne peut être au top tout le temps. Ce passage fait partie de la progression, car il incite à se ressourcer, dans ce dialogue entre le corps et l'esprit. Celui, dont je vous faisais part dans mon récit de la Gravel of Legend

"OK, tu m'as laissé tranquille une vingtaine [de semaines] comme promis. Merci, je termine souple."


"Tought time don't last (....)
Cause trouble's like a storm
That's gonna pass"

Comme le scande Bad English, dans cette chanson qui marqua mon épreuve.

" After winter comes the summer"

Ca, c'est de moi avec les Décibel : "Live". Heureusement pour tout le monde, il n'y a pas de capture vidéo sur le net ! Mais tellement de bons souvenirs avec mon Hervé, Floflo, Séverine et David.


Levons le secret : cette pause, sans pression de l'entraînement ni de la performance, est la bienvenue.

Levons le secret : en profiter pour rouler avec les copains, c'est fun. A dimanche Christophe !

Levons le secret : se relever n'en est que meilleur.

Levons le secret : passer plus de temps avec mes filles, ce n'est que du bonheur !


Excellentes fêtes de fin d'année avec un peu de sport et beaucoup d'amour !

[C'est mon secret]


IronLoulou






lundi 20 novembre 2023

Ta Performance


Je les ai longtemps détestés, ces bien nés. Ces quarterbacks du lycée. 

Pourquoi ce qui leur semblait si facile, m'était inaccessible ? Le sport, les études et les filles. Encore ce matin, Jo courrait un marathon en à peine plus de trois heures, malgré un vent d'une force inversement proportionnelle à son temps de préparation : à peine un mois ! A 20 ans, en m'entraînant pendant 20 semaines, à raison de 20h hebdo, je ne pouvais espérer un tel chrono. C'est sportivement impressionnant. Amicalement énervant. Déjà au lycée, il collectionnait les éloges des profs et les conquêtes. Amicalement énervant. Très énervant !


Alors ? Pourquoi tant de haine ? 


Parce que les cadors nous renvoient à notre propre finitude. Dame Nature ne nous a pas dotés de la même manière. Quand on évoque les standards de VMA ou de PMA (Vitesse ou Puissance Maximale Aérobie), je suis bien loin de celle des champions. A 60 pulsations par minutes, ma fréquence cardiaque au repos reste au-delà des 35-40 des sportifs d'endurance. En déménageant mes parents, je retrouvais une radio, indiquant une anomalie sur une vertèbre dorso-lombaire ; et mon père, avec cette insuffisance veineuse qu'il nous a léguée. Je l'ai déjà écrit, je ne savais pas sauter à pieds joints en maternelle ; laissant augurer des "troubles psychomoteurs". Mon institutrice aurait bien pu faire valoir son expertise scientifique à la télé, si BFM avait existé ... Quant à mon gabarit, il ne me permet pas de jouer pivot en NBA ! Ainsi, "Les fées soient disant magiques [auraient] loupé [mon] berceau".


Alors quoi ? Je laisse la performance à ceux qui peuvent y prétendre ? 

Alors quoi ? Je ne peux être fier de ce que je vise et de ce que j'ai réalisé ?

Non ! Pas besoin d'être un cador pour performer et kiffer le sport.


D'abord, je ne connais pas d'ami, qui ait décroché de breloque significative ; à l'exception de Dimitri. Encore bravo pour ce titre de champion d'Europe. Je t'ai vu barbotter dans une eau à 16 degré, sans combi, il y a une douzaine d'années. Je t'ai vu blessé. Mais, je ne t'ai jamais vu douter du soutien de ton père. Et je te remercie à nouveau du tien à Copenhague

Même Jo et un Sub 3 ne seraient pas qualifiés pour les France. Alors que cherches tu aussi ? Ce matin, j'interrogeais David T. à ce sujet, avant qu'il ne me fasse exploser à vélo.

- Je ne vise pas le Tour des Flandres pour une "performance" ; juste pour finir.
- Non, David : il y a bien plus que cela. Qu'est-ce que tu vas chercher là-bas ?


S'engage alors un de ces échanges que j'aime, sur nos recherches et défis personnels. Car, il s'agit bien de cela : la performance n'est pas le monopole des champions. Elle à soi !

A chacun de se fixer un objectif et de mettre en œuvre les moyens pour y parvenir.
A chacun de s'entraîner avec assiduité.
A chacun sa victoire : relever et remporter son défi face à lui-même


Benjamin réalisant son premier 10 kilomètres, faisant fi de la nicotine. Christophe, finisher de la Gravel Of Legend, malgré un malaise vagal. Pierre-Yves s'entraînant scrupuleusement pour réaliser l'Etape du Tour, sédentaire depuis qu'on se connaît. Chacun son défi. Chacun ses raisons de s'y engager et les leviers pour en sortir vainqueur. Le coach n'en connait qu'une partie, qu'il sera ravi d'avoir partagé, et d'utiliser comme terreau pour la future performance. 


Elle est là, la performance. Dans ces trois points personnels, davantage que dans les 4 chiffres d'un chrono universel.

Elle est là, la performance. Dans cette maxime, que je fais mienne : "Je ne choisis pas d'où je pars ; je choisis où et comment je vais." 

Une variante du -  "Je ne choisis pas ce qui m'arrive ; je choisis ce que j'en fais" - bien utile en ultra.

Il y aura des moments maudits
Oui, mais chaque victoire ne sera que la tienneEt toi seule en sauras le prix


Rendons à Jean-Jacques, ce qui appartient à Jean-Jacques. Sa chanson synthétise des éléments, dont je voulais vous faire part depuis longtemps.

Jean-Jacques, pour nos plus grands fous rires avec Séb et David. Jean-Jacques, pour de bons moments de partages avec mon Petit Frère.

Jean-Jacques, pour une seconde chanson francophone dans mes Ironsongs. La première ayant été suggérée par Quenotte, pour que je "cours vite".



(Ta) Performance
Ta force, ta dissonanceFaudra remplacer tous les "pas de chance" par de l'intelligence(Ta) Performance, pas le choix(Ta) PerformanceTa source, ta dissidenceToujours prouver deux fois plus que les autres assoupis d'évidenceTa puissance naîtra là
(Ta) PerformanceLe cadeau de ta naissanceY a tant d'envies, tant de rêves qui naissent d'une vraie souffranceQui te lance et te soutient(Ta) PerformanceTon appétit, ton essenceLa blessure où tu viendras puiser la force et l'impertinenceQui t'avance un peu plus loin
(Ta) Performance(ouh, ouh)(Ta) Performance


IronLoulou


Epilogue : Non, Jo ne partait pas de rien en engageant sa préparation pour ce marathon ; et non, je ne le déteste pas ! 






jeudi 9 novembre 2023

4ème ...

Il faudra bien que je cesse de poursuivre ces quêtes, qui me dépassent et m’invitent à me dépasser.

Alors, je me retournerai et j’accepterai.

Je les contemplerai avec gratitude.

Ces démons du passé.

Ceux-là même, qui nécessitèrent de fonder, développer et d’apprécier mes trois piliers :

Le dépassement sportif, l’amitié et la paternité.

Unis comme un seul.

Du petit gros doutant à l’ultra-performeur conseillant, il y a ces chemins que j’ai empruntés.

Dans cette même montagne, que celle de Sisyphe.

Celle qui m’offre bien plus de force qu’elle ne m’en prend, à mesure que je l’arpente.

Des sentiers et des clés, que j'aime partager.

Alors, en attendant de m'arrêter, je m’engage sur une nouvelle route.

Ou, plutôt une Ronde belge, que les cyclistes auront reconnue : le Tour des Flandres !


IronLoulou

samedi 28 octobre 2023

Prend ça comme un processus d'amélioration continue


"Prend ça comme un processus d'amélioration continue", avais-je glissé à mon nouveau poulain : Pierre-Yves. 

Pierre-Yves a le profil d'un sédentaire. Celui qui suit un peu le Tour de France ; énormément les matchs du Quinze de France, après une dégustation de whisky, dont il a le secret. Il faisait un peu de vélo à l'envie avant d'éprouver le besoin d'en faire plus et de se challenger sur l'Etape du Tour 2025. Je descellais de l'appréhension, lorsqu'il me demanda conseil. Je m'ingéniais alors à trouver des mots qui raisonnent chez lui et cette évidence :


"Prend ça comme un processus d'amélioration continue". Notre gaillard est ingénieur qualité.

Je développais aisément, en démarrant par la notion de progressivité. Paris et Loulou ne sont pas fait en jour ! Je parlais de Séb, pour illustrer l'importance et la puissance de la régularité, dans la performance. L'accélération inconsciente qu'il produisit sur son vélo, démontra que le slogan avait atteint sa cible.


"Prend ça comme un processus d'amélioration continue".

Si cela résonne encore aujourd'hui, c'est que ces propos m'ont bien fait réfléchir. Lentement, comme souvent. Je vous le partage, comme souvent.

L'ultra-distance demande du temps avant d'être maitrisé. Ceux qui performent dès leur première course sont des chanceux. Ils devront gérer les erreurs qu'ils feront sur la seconde, et la frustration qui va avec. N'y voyez là, ni jalousie, ni incantation. C'est une simple observation. Celle des autres et la mienne. Des voyants au vert dès mon second Iroman. Vous connaissez la contre-perf du troisième et le DNF (Did Not Finish) du quatrième. Et c'est justement là que je .... 


"Prends ça comme un processus d'amélioration continue".

IronBipBip, a réalisé son meilleur chrono lors de sa huitième tentative, malgré une vilaine blessure  à la main. A croire qu'on s'est mutuellement porté chance, où que la Petite Sirène de Copenhague nous motiva, sur cette épreuve (ma seconde), courue ensemble. Quoi qu'il en soit, parler du Long, c'est autant évoquer la durée de l'épreuve, que le temps de maturation pour parvenir à y performer. 

Alors, je dois être aussi patient et indulgent avec moi-même, lors des épreuves ; qu'exigeant sur ce qui les précède. 

"Prend ça comme un processus d'amélioration continue".

Pierre-Yves a un atout pour se préparer : fixer des indicateurs et les évaluer, fait partie de son boulot. Ce n'est pas le mien. Alors je m'en suis trouvé. 

D'abord valider les progrès sur mon parcours de référence autour du Lac de Jumièges. Je l'évoquais, il y a près de trois ans ici. Ce qui a changé, c'est du gros vent dans le nez sur la partie plate ; moins impactant sur la fin de parcours plus vallonné. Je ne sais pas si Strava en tint compte dans son estimation de puissance : 239 W de moyenne vs 222 W en 2020. Le seules certitudes sont que j'étais en jambes et déterminé, avec ce chrono passant sous la barre des 20 minutes, en roulant 2,6% plus vite. Peu importe les stats l'essentiel c'est le progrès car je ...


"Prends ça comme un processus d'amélioration continue".

Las, ce KOM là, je ne l'aurai pas. C'est un cador, El Doctor qui l'a, reléguant notre champion du monde de X-Terra à plus d'1'30. Mais Francky a probablement réalisé ce temps, à l'occasion du triathlon de Jumièges ; comme Cyril Pilatte qui affiche 17'55.

Bref : comme c'est du très gros niveau devant, j'ai choppé d'autres KOM en gravel. Olivier, l'Etalon du Maconnais, était aussi sincère que modeste, quand il m'annonça que c'était "un jeu". Surtout un jeu avec son bike, sa machine et, parfois, les copains à qui on les pique ... Avec 10 trophées, très relatifs, me voici "le champion de Canteleu". Mais vraiment, vraiment : quel plaisir juvénile de faire la course pour aller les chercher et constater qu'on a ainsi progressé. Car je  ...


"Prends ça comme un processus d'amélioration continue".

Mais revenons à l'essentiel. Cinq semaines après notre première sortie, Pierre-Yves passait de 30 à 92 km en gérant bien mieux son rythme et son alimentation.


Mais revenons à l'essentiel. Depuis ses premières aventures avec son Youpala, Charly marche !


Les initiés devineront aisément ce que son Papa lui a dit*





IronLoulou


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*
- T'as mangé
- T'as bu
- On y va !












mardi 5 septembre 2023

Rétrospective


C'était lors d'une balade avec le copains. Une évidence : la rétrospective, comme thème de ce centième billet. 

Samedi, j'ai proposé à Christophe de l'accompagner un bout vers sa destination euroise. L'occasion pour nous de débriefer encore, puisqu'on ne s'en lasse pas, de notre aventure commune sur la GOLD. L'occasion pour lui de me montrer quelques coins de son enfance : le chemin, où il a appris à faire du vélo et la splendide filature Levavasseur. Séb est venu à notre rencontre. Je me régale de nos échanges et des méandres de la Seine, que je découvre. Je les quitte à Acquigny, après le traditionnel selfie et une pensée pour le quatrième larron :  Quenotte. 
Une photo pour immortaliser le souvenir, avant de s'en forger d'autres. 

Il est temps de redescendre le fleuve, qui inversement, me conduira à remonter progressivement dans mon passé sportif.

D'abord la voie verte, traversant Louviers. J'y ai pas mal couru fin 2016 - début 2017. A l'époque, j'y exerçais une mission pour l'Agence Locale de l'Energie et du Climat. Le carnet de commande du consultant n'était pas plein, comme sa confiance. Heureusement, l'ami Paul (Emploi) lissait les revenus. Le sportif avait son premier ultra à préparer, un coach pour le guider et un compagnon pour l'accompagner : mes Ironfriends. Si j'ai modifié quelques aspects du blog, l'article épinglé dans le "Pourquoi" y perdure :

"C'est l'histoire de deux mecs qui se retrouvent dans la cuisine un matin, avec cet air niais accompagnant la question : "Alors, heureux ?". Ils ne sortent pas d'une nuit d'amour intense, mais d'une journée d'accomplissement qui le fut tout autant. Les préliminaires ont duré plus d'une année, tant il fallait avoir confiance en soi et en l'autre pour se lancer.

C'est l'histoire d'un mec, un temps chômeur, devenu super-héros aux yeux de ses filles pour l'éternité."


Je vous assure : ça marque ; quand bien même l'homme s'est affirmé depuis.


Nous voici déjà à Val de Reuil et ce qui fut longtemps un triathlon régional, très prisé. Couru en septembre, il offrait un dernier longue distance pour les plus aguerris ; une dernière course dans la saison, pour tous. 2007 : c'est la première fois que je m'entraîne de manière spécifique au triple effort. Après la musique, j'ai retrouvé une discipline, dans laquelle je m'épanouis. Je garde une photo de cette ligne, que je franchis avec Victoire ; Vanessa et la poussette de Solène en arrière-plan. Chose impossible sur un label Ironman, au motif que toute assistance y est formellement interdite !

A peine le temps de digresser sur ces travers de l'Ironman, qui ne me manquent pas, que me voici à Elbeuf. 2004, nous y avions coché le semi-marathon, à quelques semaines de la distance reine, à Paris. Un souvenir mémorable avec David et Matthieu. La photo de cette arrivée à trois figure en bonne place à la maison ; mais aussi sur le blog. Nos chemins se sont séparés avec Matthieu, que j'aurais plaisir à revoir. Le mirage d'un Iroman avec mon compagnon de Cité U (et plus !) a disparu. Mais David, vient de s'acheter un gravel et nous inonde déjà de questions avec Séb* ....

La Seine franchie, je retrouve la Route Touristique des Roches. Celle-là même sur laquelle j'essayais mon futur fidèle 650, la veille de mon tout premier triathlon. C'était en 2006. On avait passé un super moment avec Stéphane, Willy et Ben, qui nous avait invité à cet événement. J'avais envie de le garder en mémoire et de le partager. J'écrivais alors mon tout premier compte-rendu de course. Depuis l'Ironman de Vichy, je sais que nous ne nous retrouverons plus sur ce type d'épreuve. Mais il a un gravel et roule beaucoup ....

Je ne voulais pas vous inonder de souvenirs. Juste partager ceux que la Seine m'offrit en ce samedi. Un soupçon de compétition et de programmation, accompagnés d'une bonne dose de compagnons et d'émotions.** 

Restait alors à accompagner d'une musique fleurant bon la nostalgie. Un titre tout désigné de Toto, sorti au siècle dernier.

Restait alors à vous indiquer, quels sont mes objectifs pour l'année 2024. Aucune idée précise pour le moment (...).
 
Ce sera lors d'une balade avec les copains. Une évidence !


IronLoulou

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* Séb, était dans ce trio magique, qui n'avait rien à envier à celui de Platini-Tigana-Giresse

** Ces libellés associés aux articles du blog, pour en faciliter le classement

mardi 29 août 2023

Charly avait raison

 


Charly se dresse sur son youpala. Un pas, puis l'autre. Que faire de ces pieds, au contact d'un sol, bien plus froid que la chaleur de ses parents ? La jambe fléchit et tremble comme son buste, rempli de rires. 

Son trotteur n'avance plus. D'aucuns diraient qu'il commet des erreurs de débutant. Qu'importe ! Maman, elle, agit et l'aide doucement. Il était simplement bloqué contre le canapé.

Ragaillardi par cette assistance réconfortante, Charly repart dare - dare.

Ca va trop vite ! Faut qu'j'm'arrête. Qu'importe ! Papa est là. Il me regarde. On se marre. Qu'est-ce qu'on est bien là.

Quel joie de découvrir cela. J'existe au travers de mon corps et des yeux de mes aimants. J'existe et suis en devenir car, à coup  sûr, j'arriverai à la phase suivante : marcher.

Charly découvre de nouvelles sensations : ça l'enivre. Il prend conscience d'horizons infinis à explorer et de la puissance de cette enveloppe, en éternelle construction. Celle du rire et de l'amour de ses proches.

Ces fondamentaux*, que je peux oublier, engoncé dans un costume de "grand". Celui que j'enfile, endimanché et obnubilé par des objectifs de performance chronométrique.

Le plaisir de ces nouveaux stimuli et de dépasser mes limites, pas à pas, sous les encouragements de mes proches.



Charly avait raison.


IronLoulou




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 * Terme rugbystique oblige, à une semaine du coupe d'envoi de la Coupe du Monde de Rugby



vendredi 11 août 2023

Vacances, j'oublie tout ?

Eté 1994


J'admets volontiers ne pas partager cet adage populaire ; et encore moins ce titre du groupe français, qui ne porte que le nom d'éléganceD'autres ont bien mieux chanter les amourettes estivales. Si Heaven's Edge marqua la fin du Gelreman en 2021 avec Hold On Tonight, une balade de Bad English s'imposait ici, tant ce groupe m'accompagna pour mon défi de 2023.

Time to still (Bad English)

Au-delà de cette répartie musicale, je crois que j'ai rarement coupé, durant mes congés d'été. La préparation de triathlons longue distance succédait à celle des marathons de rentrée. Avant cela, en  2002, c'était celle de notre mariage ! Plus tôt, les jobs saisonniers. Que dire alors de ces vacances en Ardèche avec ces hollandaises qui inspirèrent deux destinations sportives et notre Guytou ? Je vous remets le lien du billet, qu'illustra cette photo d'introduction. En arrière-plan vous retrouvez Fred. Devant, à gauche d'Olivier, c'est Zoï, le chanteur des Black Design. De quoi pensez-vous que nous parlions entre deux bières et trois néerlandaises ? Je n'avais pas coupé.

Cette année, sans objectif sportif à préparer, je pouvais donc profiter pleinement de l'essentiel : mes femmes ! Libéré de l'exigence d'entraînements rigoureux, je roulais à l'envie et nageais en mer, uniquement pour le plaisir. Après tant d'années, je ne savais plus profiter de l'eau ; y compris avec mes filles. Impossible de rester tranquille 5 minutes en bord de piscine ou sur la plage, sans lunettes, ni Garmin. Je ne frisais pas la bigorexie : j'étais en plein dedans. Comme toute addiction, plus on n'y est, plus on nie.  J'étais, surtout plus à l'écoute de chacune et du rythme collectif. En guise de run, les marchés estivaux. Croyez-moi, c'est bien plus fatiguant ! Mais, rassurez vous : j'ai trottiné deux fois, histoire d'aller chercher le pain. Le triathlète se remet en route. Il n'avait pas coupé.


Même ma bibliographie estivale me ramenait irrémédiablement à mes pensées séculières.
- Les Spoèmes du livre éponyme traitent souvent de sport

- Mesure de l'effort dans les activités physiques, m'y maintenait

- Les 5 blessures de Lise Bourreau n'invitaient pas à la relaxation intellectuelle

- La Peste replongeait dans la crise du COVID


- Il n'y avait guère alors qu'un bon vieux thriller de Ludlum pour couper incontestablement



Pour autant, les qualités émancipatrices de la littérature ne furent pas démenties.

Grâce à Olivier (HERVE, pas celui de la photo), j'ai repris goût à la poésie. Pour preuve, un recueil d'œuvres d'Arthur RIMBAUD m'attend sur ma table de chevet. Les envolées lyriques sont souvent propices à l'endormissement. 

J'ai un certain affect avec cet auteur, en raison de mon patronyme. Cette photo de la journée déguisée, que nous avions initiée en Terminale, vous permettra de comprendre aisément pourquoi.





Je vous redonne le lien présentant les deux œuvres d'Olivier : https://www.fnac.com/ia10331210/Olivier-Herve . Si vous avez aimé Centre de formation, que je me récitais dans mon dernier billet, vous apprécierez l'introduction de son premier essai : Pédalées

Olivier : aussi à l'aise sur un vélo qu'avec un stylo. Et vous ne l'avez pas vu sur un vélo !

La lecture - et la compréhension ! - de l'ouvrage de théorie sportive viennent de me libérer d'une croyance limitante : "Je ne suis pas expert. Je n'aime pas approfondir les sujets. C'est une compétence d'ingénieurs". Beh, non ! Quand j'en ai envie, je peux hausser mon niveau de jeu.  Les courbes, les statistiques, la physiologie : envoyez ; j'adore ! Dans mon expérience professionnelle, j'ai toujours réussi à assimiler de nouveaux concepts, de manière inattendue : la dépendance, la maladie d'Alzheimer, l'économie circulaire, la plasturgie, etc. Un littéraire peut parler de PE, de PA ou d'extrusion, comme de neurologie. En réalité, j'ai toujours adapté mon niveau d'apprentissage, à ce dont j'avais besoin.  Il y avait alors un moment où, n'ayant plus la nécessité d'en apprendre davantage pour ma mission, je laissais le champ aux experts. J'interprétais cela comme une cause (je ne suis pas bon) et non une conséquence (je n'ai pas besoin d'en savoir plus). Prochain sujet d'expertise : l'écoconstruction.

Cela apparait dans mes billets. Même si ce n'est pas son objectif premier, l'ultra distance et ce blog me permettent de guérir certaines blessures du passé et d'échapper à certains de ses démons.  Grégor m'avait conseillé depuis longtemps le best-seller de Louise BOURBEAU. C'est fou ce qu'on retrouve de triathlètes, dans ce qu'elle définit comme le masque du "contrôlant" : l'exigence envers soi-même, le vocable de la confiance et de la capabilité, etc. Ces propos ne sont pas une panacée, mais m'ont invité à la réflexion et à l'apaisement. J'y ai retrouvé certaines réactions passées, particulièrement tranchées. Je ne supportais pas un écart dans la loyauté, que j'attendais. J'étais très exigeant, voire chiant. En un mot : exichiant ! Cela nous valu un éloignement temporaire, et des retrouvailles très sincères, avec les copains de lycée et Olivier : celui de la photo, cette fois. Une rupture probablement définitive avec le cinquième personnage : Fabien. Il n'est plus question de regrets ; simplement de s'observer. S'observer pour comprendre hier, s'épanouir aujourd'hui et prévenir demain. Les expériences deviennent des erreurs si elles se reproduisent. J'exerce un métier dans lequel le relationnel est fondamental et le désengagement de partenaires, pas toujours théorique. Le pas de côté : une compétence  à développer. La lecture ne permet donc pas d'oublier, mais d'appréciables prises de recul. 


Il en est une qui m'a enchanté : celle de Camus. Sa description de l'administration, que je côtoie régulièrement, est des plus savoureuses. Je vous retranscris le passage pour raviver la mémoire de ceux qui ont lu ce chef d'œuvre et faire sourire les autres, avec eux : 

"(...) ce genre de raisonneurs constituait la catégorie des formalistes. À côté d'eux, on pouvait encore trouver les bien parlants, qui assuraient le demandeur que rien de tout cela ne pouvait durer et qui, prodiguent de bons conseils quand on leur demandait des décisions, consolaient Rambert en décidant qu'il s'agissait seulement d'un ennui momentané. Il y avait aussi les importants, qui priaient leur visiteur de laisser une note résumant son cas et qui l'informaient qu'ils statueraient sur ce cas ; les futiles, qui lui proposaient des bons de logement ou des adresses de pensions économiques ; les méthodiques, qui faisaient remplir une fiche et la classaient ensuite ; les débordés, qui levaient les bras, et les importunés, qui détournaient les yeux ; il y avait enfin les traditionnels, de beaucoup les plus nombreux, qui indiquaient à Rambert un autre bureau ou une nouvelle démarche à faire."

Je n'imagine pourtant pas que cette citation lui ait valu le Prix Nobel. On l'expliquerait par la description fine des processus psychosociaux enclenchés dans une crise, que l'on retrouva moins d'un siècle plus tard. Et cette plume ! On pourrait s'arrêter à chaque paragraphe pour en contempler la tournure. Un régal. Je me souviens de ce jour où mon grand-père m'invectiva ; alors que je lisais d'Hans Peter Riechter : Mon ami Frédéric*. "Arrête. Ce n'est pas utile ! Va plutôt prendre un livre d'école et faire des mathématiques". Effectivement, il n'y avait pas de véritables vacances chez lui. Effectivement, lire n'est pas toujours directement "utile" à son avenir scolaire et professionnel. Mais qu'est-ce que c'est bon et jubilatoire, parfois. Je ne regrette pas d'avoir pris autant de temps pour en percevoir les vertus. Cela a fait parti de mon processus d'évolution ; dont le blog relate quelques expressions. Je me réjouis de pouvoir le partager un peu avec vous et, beaucoup, avec ma fille.

Victoire part à Sciences Po - Lille. Beaucoup seraient fiers du résultat du concours. Je suis surtout heureux, qu'elle ait passé son année de prépa avec le maximum de sérénité, dont on peut faire preuve dans de telles conditions. Le résultat n'en est qu'une heureuse conséquence. Beaucoup seraient fiers d'un tel niveau intellectuel. J'y vois surtout des occasions d'échange sur des sujets qu'elle traite ou des lectures, qu'on se conseille mutuellement. Beaucoup seraient fiers de cette destination prestigieuse. J'ai surtout appréhendé son départ. J'en ai échangé avec certains d'entre vous ; y compris avec Jérôme, longuement sur la GOLD. Je me demande d'ailleurs s'il n'y a pas feint ce coup de bambou au dernier ravitaillement, pour échapper à ma discussion. Plaisanterie mise à part, il m'est difficile de décrire à quel point cela m'a touché.  Sachez simplement que la lecture de Bourbeau et du chapitre sur la blessure de l'abandon m'aidèrent à y voir plus clair. Mais pas tant que mes discussions avec vous et elle. Je suis en paix. Le bonheur de mes filles est la seule chose qui compte pour moi.

Que je sois en vacances ou pas ; Elles, je ne les oublie pas.



IronLoulou




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* Décidément ce prénom revient souvent dans ce blog. Ce n'est pourtant pas une volonté stylistique ... enfin, pas toujours !



dimanche 25 juin 2023

L'aventure ensemble. Le défi face à soi-même.


Vous me connaissez "sacré cérébral", comme m'a défini Romaric. Pourtant, ce sont les mots de Quenotte, qui seront les plus efficaces sur ce titre et le reste ....

Commençons par vous présenter ma Team Graveleux. D'abord, pour vous éviter de relire les billets précédents*. Ensuite, et surtout, car j'assume être un animal social. J'étais accompagné dans mes plus belles courses : David sur le marathon de Paris ; Ben et JC au Doussard comme à Belfort. Sans parler, de mes Ironfriends qui me permirent de franchir ma première Finish Line (Quenotte) et d'atteindre Sub 12 sur Ironman (BipBip). A l'inverse, lors du DNF de Maastricht, malgré la présence des petits hommes verts de Vincent, je m'étais préparé seul. Je vois en cela moins un hasard, que cette nécessité d'être entouré.


Le grand à droite, c'est Christophe. On a fait nos premiers tours de roues ensemble, il y a près d'un an. C'est avec lui, que je me suis lancé dans ce projet assez colossal : boucler notre premier ultra gravel, alors que nous débutions dans la discipline. Séb, mon compère de Cité U, nous rejoindra vite ; totalement néophyte sur la longue distance. A gauche, notre leader de vestiaire, qui nous guidera de son expérience : Fred, Ma Quenotte. Un porte-bonheur et un compagnon indispensable pour la prépa comme pour le reste ... 

Je vous épargne ici de la phase d'approche, n'offrant pas la facette la plus agréable du mari. Je vous passe ici ma matinée à J-1 ; dont la seule chose que je retiens reste la coupe de cheveux, réalisée par Victoire. J'en  avais besoin pour mieux supporter la chaleur et profiter de la sienne.

Nous nous sommes inscrits sur la Gravel Of Legend. On l'a choisie car elle était décrite comme abordable par ses aspects techniques et son dénivelé  : 2 500 m sont annoncés sur les 327 kilomètres. La contrepartie de cela est logistique : se faire accompagner au départ d'Arromanches, puis suivre avant l'arrivée à Angers ; où nos femmes nous auront rejoint en voiture. Heureusement, celle de Séb est là et va assurer cet accompagnement précieux, avec une implication exemplaire. Big Up pour Peggie. Tu as largement contribué à la réussite de chacun et la cohésion de groupe. Encore merci !

A l'heure où les journées thématiques se multiplient sur tout et n'importe quoi ; j'aimerais que l'on fixe au 16 juin, celle des accompagnateurs, sans lesquels on ne serait rien. Vanessa, Mél, Jean-Charles, Oksana, Dima, Peggie : elle est pour vous.

L'arrivée à Arromanches se fait dans des délais et un stress relativement confortables, compte tenu de la complexité de notre organisation. Le point crucial est ce pneu de Séb qui ne cesse de se dégonfler, alors qu'il est quasiment neuf. Quenotte va faire parler sa science du bricolage (songez qu'il a utilisé de la glaise pour colmater une fuite sur son tubless cet hiver !) et réaliser son premier miracle du week-end. Nous pouvons désormais nous détendre et engager la pasta partie goulument. Enfin, c'est ce que j'espère, rattrapé par des nausées somatiques d'avant-course. Je me coucherai donc le premier et répondrai à la question, que nous nous posions avant le séjour : qui ronfle le plus fort ? Au petit déj', je manque de vomir dès ma première gorgée de café. Il est temps que le corps et l'esprit s'alignent, dans ce dialogue que j'imagine :

- Ca va être dur. Il fallait se reposer.
- OK : c'est fait depuis hier en me couchant grâce à ces symptômes
- C'est une distance inconnue
- OK : je me suis consciencieusement préparé pour. Laisse-moi gérer
- OK : je te laisse tranquille une vingtaine d'heures

Je ressors de cela et des toilettes, tout neuf. Une belle journée va commencer. Il est temps de profiter de la table pantagruélique et du gâteau sport, préparé par Peggie. Elle a pris la recette d'Oksana. Les bons souvenirs rejaillissent. Une belle journée va commencer ....

.... par 13 kilomètres d'échauffement, pour rejoindre le départ. Avec les commémorations de mai et de juin, les places sont chères dans le coin. J'entame donc une balade de 350 kilomètres avec le trajet qui reliera l'arrivée à l'appartement d'Angers. J'aime le défi. Surtout, cette grosse demi-heure permettra de s'éveiller, faire le point, profiter des premières lueurs du jour et des copains.


"Arromanches : un lieu chargé d'Histoire. A nous d'écrire la Notre (Séb)"


Step 1 (0-66 K) : observer

J'ai découpé l'épreuve en fonction des check-points, dont j'ai collé le kilométrage sur mon cadre : 66 ; 114 ; 156 ; 221 ; 281 ; 327. Un outil classique de la préparation mentale, même si, aujourd'hui, il faudra plus de temps pour passer d'un ravitaillement à un autre, que sur Ironman !

Premier objectif donc : observer et tenter de se placer dans un bon groupe. J'ai rapidement perdu de vu Quenotte au départ, bien plus habitué à l'exercice que moi. Pour autant, je navigue avec sang-froid et m'efforce de ne pas m'enflammer. Le plus dur reste à venir, comme vous pouvez le devinez sur le profil de la course.

Comme il nous l'avait indiqué, le peloton étant assez large en début de parcours, nous pouvons préserver l'énergie de nos GPS et de nos cerveaux, en se contentant de suivre les gars de devant. Une succession de passages techniques entre le 50ème et le 60ème va scinder le peloton en grappes. Je suis appliqué et m'efforce de rouler toujours à mon rythme. J'arrive au viaduc de la Souleuvre sans encombres et riche d'un souvenir de l'enterrement de vie de garçon de Ben. En croisant, Peggie sur la route, j'avais entendu : "Séb n'est pas loin derrière". Finalement, c'était "Fred". Je suis content de le revoir. J'apprendrais qu'il a eu un souci d'orientation. On décide de repartir ensemble.


Step 2 (66-114 K) : gérer

L'essentiel du dénivelé est ici. Et même, dès la sortie de le zone de ravitaillement avec 500m à 12,6 %. Le ton est donné. Quenotte souffre et m'invite à faire ma course. On en a parlé de nombreuses fois et on l'a vécu avec Séb sur le Tour de Seine-Maritime : il est souvent délétère de rouler à deux, quand l'un des deux ne va pas bien. Là, non. Nous ne sommes qu'au début de l'aventure. Il peut se refaire. Et préserver de l'énergie en roulant un ton en dessous, ne me sera pas préjudiciable. Il prend ma roue et retrouve de la lucidité à mesure qu'il se nourrit sur le vélo. Tel un équipier du Tour de France, j'écoute scrupuleusement ses consignes : prendre les roues ou les laisser filer ; maintenir ou réduire l'allure. "T'inquiète, les groupes vont se faire". Je me délecte de son expérience.

Les têtes reviennent et il y en a une qui a l'air plus sympa que les autres. Prenant une trajectoire trop large, je l'ai gêné. Plutôt que de gueuler nerveusement ou ne rien dire, Jérôme m'a chambré et on a commencé à se marrer. Ca fait du bien de voir un mec sourire et ne pas se prendre trop au sérieux. Il vient de Bourgoin-Jallieu, terre de rugby. Cela doit expliquer cette sympathie et nous offrira un sujet de conversation.  Il roule assez fort, mais décidera de rester un bout avec nous ; profitant de notre compagnie et des conseils de Fred. Celui-ci a repris du poil de la bête. Il a réussi a gérer les côtes du parcours, y compris la Bandelière Climb. Après plus de 100 kilomètres et 2 000 m de dénivelé cumulé, ce kilomètre à 11% caillouteux et technique a fait mal. On a posé le pieds à terre. Je l'observe se remettre sur le vélo avec aisance, avant moi. Il a retrouvé de la lucidité et son coup de pédale. Je souris.

Check-point n°2 : "Le plus difficile est passé. Après ça descend !", si on a le regard aussi optimiste que Laurent ou le mien. On engouffre nos sandwichs goulument, en proposant à Jérôme de repartir avec nous.


Step 3 (114-156 K) : Ma Bretagne ; ça me gagne

Le passage à Saint-Hilaire-du-Harcouët marque l'arrivée en Bretagne. N'allez pas pinailler sur les frontières normando-bretonnes. Il y en a bien qui placent le Mont-Saint-Michel en Normandie ! Pour moi, Saint-Hilaire-du-Harcouët sonnera toujours breton et ces souvenirs d'enfance, avec leurs trajets dans notre combi blanc pour rejoindre mon grand-père ou ma grande-tante. En Bretagne, j'ai aussi vécu de super moments d'amitié et de triathlon longue distance : avec les Pape et David à Saint-Lunaire et Ma Quenotte sur la Triskel Race. Quand je vous écris que c'est mon porte-bonheur, ce n'est pas uniquement pour la rhétorique ! Alors oui : je n'avais pas encore parlé de Caro et Xavier. Je boude, car je n'ai pas eu le droit à ma photo d'encouragement, qui fait leur légende. Pas besoin qu'elle me manque pour savoir qu'elle m'est aussi précieuse que Vous !

J'ouvre les yeux et roule à l'ocytocine. Je passe pas mal de temps devant, car je m'y sens bien. Les voies vertes sont très agréables. Les nombreuses barrières qu'elles comportent m'offrent une source d'amélioration technique précieuse, à chaque franchissement, et un bon prétexte au chambrage de mes compères. Je crois qu'il faudra attendre la soixante-dixième, pour que je parvienne à ne pas déclipser deux fois de suite !


Voilà ce que Jérôme retiendra de moi ; tandis qu'il qualifiera Fred de "très expérimenté", sur la partie descriptive de son Strava. Je ne vais pas me vexer. Il est plus grand que moi. Et mon code de l'honneur m'impose de ne pas taper les plus grands. Tu as de la chance Jérôme, tu as de la chance ...

Profitant de nos longs moments de silence, je profite de ma bulle poétique.

Olivier Hervé aussi à l'aise sur un vélo qu'avec un stylo ! J'avais dévoré son premier essai Pédalées. Je savoure son recueil de poésies Spoèmes. Centre de formation est ma préférée (ci-dessus). Je l'ai apprise par cœur, comme un écolier. Et, comme un écolier, je profite des joies de la bicyclette : l'air sur mon visage, les poumons qui se gonflent, les jambes qui se contractent à chaque coup de pédale. La liberté ! Je retrouve cet âme d'enfant, qu'on oublie trop souvent.

Voilà donc une de ces parties euphoriques, que l'on connait sur le Long. Le calme avant la tempête, diraient les marins bretons, comme les normands.


Step 4 (156-221 K) : le point de rupture

La pause au ravitaillement m'a permis de prendre des nouvelles de Séb et Christophe, auprès de Peggie. A ses dires, Séb est à une heure et très souriant. Impressionnant pour un gars, qui bouclait son premier 100 bornes en vélo-route, il y a à peine un an. J'ai pas mal échangé avec lui. Je pense en avoir saisi les leviers. J'ai essayé de trouver les mots, mais rien ne remplacera - pour lui, comme pour tous - la réalisation de l'épreuve. "Savoir n'est pas connaître". Il n'y a qu'en franchissant cette finish line et qu'en écrivant ton Histoire (pour te paraphraser) que tu sauras. Et tu as su ...

On roule en plein cagnard et proche de la surchauffe. J'ai besoin de refaire le plein de mes gourdes. Heureusement, Jérôme usera de son charme pour trouver un arrangement avec la coiffeuse de Saint M'Hervé. Une pause bienvenue et rafraichissante à tous égards. Ce qui s'est passé dans le salon de coiffure, restera dans le salon ...

Réjouissances et rigolades de courte durée. Au détour du kilomètre 200, je le prends. Le coup de bambou ! Je suis dans le mal.  Est-il besoin de vous décrire le poids de ce vide ?  Est-il besoin de prévenir les copains ? Non l'ont vu. Ils m'encouragent à les suivre. Non, ils ne me lâcheront pas malgré ma demande languissante. Le ravitaillement est à une vingtaine de bornes.

Ca me laisse le temps de jouer avec le point de rupture. Celui que j'attends en m'alignant. Cet exercice. Cette catharsis. Il est temps d'utiliser cette boîte à outils, que je me construis depuis tout petit. 

Pour les rimes, laissons Olivier s'emparer du sujet, que nous aimons tant partager. Figures rhétoriques et poétiques mises à part, la préparation de cet événement fatidique nourrit ma motivation à l'entraînement. Mon vécu avec ce fameux mur compte fortement dans l'évaluation de ma course. Inconscient à Vichy ; subi à Copenhague, victorieux à Arnhem, vaincu à Maastricht. Si le chrono d'Arnhem est bien en deçà du danois, le dépassement de la difficulté boosta mon envie de m'y remettre ... trop vite.


C'est étrange, mais ainsi : l'accomplissement de l'homme dans la douleur. Une interprétation différente du mythe de Sisyphe, de celle d'Albert Camus ou de BipBip. Lui, aussi s'est essayé à l'écriture. Dans Un Certain Horizon, j'ai retrouvé son style : précis et soigné. Deux ans de travail. Des arguments aussi solides que l'homme sur sa machine. Ici aussi, le temps défile rapidement. 

Mais, il est temps de mettre en œuvre tout mon travail de préparation mentale ; dont quelques séances qu'il me proposa, en cobaye, avant qu'il n'obtienne sa certification de coach sportif. 

- Sourire, sourire, sourire (kinesthésie)
- Attirer son attention ailleurs que sur sa douleur et ses doutes : regarder, chambrer, réciter (Le sport, une école unique du corps, de l'âme ....)
- Décompter : 20 bornes encore, 17, 13, 6, 3, ...
- Ecouter (programmation neuro-linguistique) : Tough Times Don't Last 

Peu importe si les paroles sont aussi naïves, que le "hard FM" prêtait à rire. Ils font mouche chez moi. Peu importe si ces gadgets prêtent à sourire. Cette fois, je suis acteur de mon point de rupture ! 

Nous atteignons enfin le ravitaillement. Je sais ce qu'il me faut : un grand verre de coca et cette boisson à 50/50 dans mes bidons. Une bénévole me propose gentillement un godet de 10 cl : "il faut faire pour tout le monde". Je pense qu'elle tape dans sa propre réserve et ne pas avoir été le seul à lui faire la demande. Pour le reste, il faut compter sur le sponsor et ses électrolytes "free sugar" au goût Schtroumpf, avec des compotes allégées en sucre. J'exagère un peu, car les ravitos sont tout de même généreux en bananes, barres énergétiques, tucs et délicieux crackers locaux. Il n'empêche, qu'il manque cette valeur sure. Ce truc qu'on fuit le reste du temps et qui devient vital un instant : le coca.

Peggie vient d'arriver. Je ne me rends pas compte de mon état "qu'il aurait fallu filmer", dans lequel je lui en demande trois cannettes. Maintenant, ça devrait aller même s'il me faudra du temps pour que les sucres s'assimilent et que je remonte sur le vélo. Je remercie Quenotte et lui demande d'y aller seul. M'observant dans cette posture, illustrant mon abandon à Maastricht, le sang de mon Ami ne fait qu'un tour. Trois phrases. Trois phrases, qui dépassèrent tous mes instruments précédents.  Trois phrases magiques, qui entrèrent dans sa légende :

- T'as mangé
- T'as bu
- On y va !

On se regarde avec Peggie. Pantois.

Un style qui claque aussi bien que celui d'Olivier ; mais dans ma gueule. Et j'en avais besoin ! Ces trois phrases sont plus impactantes que bien des discours et des théories. Quel génie !

- Bon bah, à tout à l'heure !


Step 5 (221-281 K) : copains-rouler-machine

On prend un groupe, qui nous double régulièrement et que nous dépassons, à la faveur de pauses plus courtes. Ca, c'est l'expérience du coach du jour. Je me cale dans sa roue et dans celle, bien plus agréable, de Jérôme. Derrière son mètre quatre vingt quinze, je ne sens pas du tout le vent. Il s'enquière de mon état.

- J'en sais rien. C'est la machine qui a pris le relais !

Je suis en pilotage automatique : copains-rouler-machine-copains-rouler-machine.

Une superbe expérience. On dit que l'ultra fonctionne au mental. C'est bien plus subtil et réside dans une interaction prodigieuse entre le corps et l'esprit. Ils ont repris le dessus, car le corps a senti cette main apaisante et goûté le coca salvateur de Peggie. Car il a vu dans les yeux de Jérôme, cette solidarité véritable, que beaucoup pérorent. Parce qu'il sent ces odeurs, que le sport en extérieur offre. Car il a entendu ces mots de son Ironfriend. Ils ont fait résonné tous ses sens, du premier au sixième.

copains-rouler-machine

Le sucre est assimilé. Loulou et de retour. J'ai à cœur d'aider Jérôme, qui pioche maintenant. On a identifié que le leader du peloton et son prolongateur attendaient systématiquement son pote avec un sac à dos vert. Pas besoin de se parler avec Fred. L'objectif est de boucher le trou lorsque les côtes éparpillent le peloton et de ramener notre compère dans la roue du sac à dos vert. Bon sang ! Ce n'est pas parce qu'on avait mangé la moitié du dénivelé dans cents premiers kilomètres, qu'il n'y avait plus rien après ! Optimiste, j'ai tendance à visualiser l'arrivée après les grosses difficultés du parcours. Il n'en est rien. Les meilleurs la visualisent d'ailleurs bien après la ligne. Un point à travailler pour l'avenir.

copains-rouler-machine

Mon décompte "ravito" se poursuit : 40-32-20-16-7-3

copains-rouler-machine

Une nouvelle chanson à ajouter à ma playlist s'impose. Moins ésotérique que Bad English, mais tout aussi efficace. Une évidence du Boss !
Born to (ultra) run !


Step 6 (281-327 K) : "Tu la voulais cette arrivée à deux ?"

Mon enthousiasme au dernier ravitaillement est de courte durée. Jérôme est cuit. On avait laissé filer le groupe devant pour temporiser ensemble, mais la chaleur a eu raison du lyonnais. On se résout à le laisser  allongé, à l'ombre, souriant auprès de sa femme. Sincèrement : merci pour ce super moment, comme on les aime. Et, ne t'inquiète pas : ce qui s'est passé dans le salon de coiffure, restera dans le salon ... 

Je branche la powerbank de Solène sur mon GPS. J'avais besoin de son énergie .... Je check mes SMS et j'apprends que Christophe est proche de l'abandon. Il a fait un malaise vagal, Peggie attend de connaître l'avis du médecin. Christophe, mon poulain !

Levons le secret. Avec Quenotte, durant toute cette prépa, nous scrutions la progression de nos jeunes coéquipiers. Si Séb nous impressionnait par son implication et son kilométrage, Christophe connaissait quelques aléas, compliquant sa préparation. Mon inquiétude était double : qu'il ne soit pas suffisamment préparé et soit en retrait de notre bande de Graveleux. Il ne pourra pas participer à nos deux courses préparatoires : la Gravel Nicolaysienne et  le Tour de Seine-Maritime. Alors, quand au détour de deux sorties vélos et trois coups de fil, il me demande de le guider dans ses cinq dernières semaines, j'enfile mon costume de Loulou Coach. J'avoue, que cela m'a vraiment plu de réfléchir à la programmation la plus adaptée. Prendre le soin d'observer ses sorties et son ressenti. Trouver le compromis entre effort et récupération ; convalescence et coup de pieds au c... Christophe a un sacré moteur : je ne décrypte pas aussi bien le coup de pédale que Quenotte, mais je sais lire un test d'effort. Avec beaucoup d'échanges, on a trouvé le bon mode de sollicitation. Suffisant pour bien figurer ... c'est ce que je pensais.

Quenotte me relance en une question, alors que nous nous engageons sur la dernière partie de l'épreuve : Tu la voulais cette arrivée à deux ?

Oh que oui ! Te tenir, c'est que je suis dans le coup sportivement. Rouler avec mon Ironfriend, ce sera encore une quarantaine de bornes supplémentaires dans notre histoire.

Le duo prolongateur - sac vert nous rattrape. On le laisse filer. L'envie de profiter de ce moment tout les deux. Et la prudence du sage : "Ca sent l'écurie, mais on a 300 bornes dans les pattes".

Je suis enthousiaste et roule probablement un chouille trop fort. Il a raison, je ne tarde pas à mettre la main à la poche. Il en rit encore intérieurement. Je profite de la voie verte longeant la Mayenne pour ouvrir les yeux. Je m'attends à ce que la route se termine ainsi : sur de longues pistes cyclables. Mais non ! C'est maintenant, alors que la nuit va tomber, qu'on s'engage dans des zigs et des zags péri-urbains et de nouvelles menues portions forestières. Je profite du guidage de Quenotte et l'attend en haut des bosses : chacun sa compétence ! Dans l'absolu, ces parties ne sont pas très difficiles. Mais, après une grosse journée d'efforts, cela prend des proportions plus importantes. C'est l'ultra. C'est le jeu ! 

A l'arrivée sur Angers, on s'arrête pour enfiler nos gilets fluos. Afin de bien terminer, j'avale un gel et trois grosses gorgées d'eau, immédiatement rendues à Dame Nature. Pardonnez-moi pour ces détails, si vous êtes à table. Ce vomissement est bien différent de celui de Maastricht. Le précédent marquait un ras-le-bol du corps et de l'esprit. Un ras-le-bol au sens propre, comme au sens figuré donc : amis de la sémantique et de l'approche lacanienne, régalez-vous ! Ici, c'est ce dialogue, que j'imagine encore.

OK, tu m'as laissé tranquille une vingtaine d'heure comme promis. Merci, je termine souple.

Je viens de comprendre que vomir n'était pas rédhibitoire. C'est un signe, qu'il faut interpréter à sa juste valeur. Il fait partie du jeu de l'ultra. Il m'a permis de repartir psychologiquement et physiquement allégé. Bon appétit !


- Il est temps que ça se termine !

Ma Quenotte est proche de la saturation, lorsque nous apercevons nos femmes sur le bord de la route. La trace passait à 200 m de notre location. Ca fait un bien fou ! Nous apprenons que Séb assure et que Christophe poursuit sa route dans un groupe. Fred repart ragaillardi. Nul ne sait ce qu'on lui a dit. En fait, rien : il a juste vu Charly.

- Bonne première Fête des Pères, mon copain.


Reste encore 3,5 kilomètres. Les meilleurs. Ceux de l'introspection et de la dégustation. Vous, qui me connaissez et venez de me lire, imaginez la force du moment ! 

J'ai trouvé ce que j'étais venu chercher :

- Un challenge : s'engager sur une épreuve difficile, qu'on ne connait pas
- Un exercice : mettre œuvre mes connaissances théoriques et de moi-même, pour concevoir une programmation efficace  
- La confirmation de ce que j'aime et celui que je suis : l'ultra et les copains. Ma signature sur le mur des finishers n'en sera que plus évidente
- Le point de rupture



Tout cela n'aurait pas été possible sans toi, ma Quenotte. En me partageant ta passion du gravel, tu m'offrais une alternative et une revanche sur l'Ironman. En nous abreuvant de ton expérience, tu me donnais des points cruciaux sur ma planification et tu rassurais les copains. Et là. Là. Ces trois phrases magiques, qui me permirent de dépasser le point de rupture et de chasser des démons. Je ne serais pas là sans toi. Et je suis heureux d'être avec toi. Il fallait que ce soit écrit.

- Juste merci !

Je peux aussi faire court. Ce sont ces paroles que je prononcerais, alors que nous lierons nos mains en franchissant la ligne. [ndlr : j'espère qu'on aura la photo de l'orga, qui tarde]

Cerise sur ce savoureux gâteau : nous sommes Top 100. La camaraderie et l'âge ne sont pas incompatibles avec l'ultra-performance. Pas chez moi !

La photo de Fred, illustrera un bel article dans le journal local. Seul bémol, à mon sens, l'illustration.




J'aurais choisi, celle-ci. Mais il est bien plus pudique que moi.



Step 7 (327 - ) : Et maintenant ?

Nous nous enquérons de Jérôme, auprès de sa femme. Il est à neuf bornes. Ne t'inquiète pas : ce qui s'est passé dans le salon de coiffure, restera dans le salon ... 
[@Jérôme. Je n'ai pas mis ta photo, ne sachant pas si cela te dérangeait. On pourra corriger, si tu es jaloux. Je ne peux rien refuser aux plus grands. C'est une question de code de l'honneur]

Séb arrivera trois heures après-nous. Grand bravo mon Séb. Je crois que cette Finsih Line a mieux parlé que moi. Tu étais bien plus que légitime à t'engager sur cette épreuve. Tu as fait œuvre d'une application exemplaire ; démontrant qu'en s'entraînant, "anything is possible". Je t'aurais bien attendu de l'appart'. Comme je l'écrivais à Peggie, la tête n'arrivait pas à redescendre, même si le corps réclamait du repos. Finalement, je me suis couché. Il le méritait bien.

Christophe termine dans les délais, après 21h20 de ride. Grand respect. Sur marathon, on se dit toujours que les mecs de derrières auront plus mal au jambes. En ultra-cyclisme, ça doit être pareil, à quelque chose ou centimètres près ... Plaisanterie mise à part, puisque le mot est à la mode, il sera sincère et avéré : quelle résilience ! En dépit des incidents dans ta prépa et de ce malaise, tu es toujours reparti avec le sourire. Ne me remercie pas pour ce modeste coaching. C'est à moi de te remercier pour le plaisir que j'ai pris dans cet exercice, et la fierté de te savoir finisher. Ca méritait bien la photo et le post sur la page Facebook du Nature is bike !

Difficile de vous donner des stats fiables. Dans l'ultra et le gravel, les moyennes dépendent tellement du terrain et des conditions météo, qui m'ont été favorables. Le chrono aurait été bien différent avec le vent dans le nez et de la flotte, sur des parties aussi techniques que celles du Tour de Seine-Maritime. A ce point d'ailleurs, qu'il m'aura fallu a peine moins de temps pour boucler ses 240 kilomètres, que les 327 de cette épreuve. De plus, j'ai allumé mon chrono 10 mn avant le départ, ne l'ai ni mis en auto-pause, ni arrêter avant de rejoindre notre location, etc.

Ce qu'on sait, c'est un parcours bouclé en 16h54, avec une 95ème place sur
- 272 partants, sans compter presqu'autant en bikepacking, réalisant le parcours en deux jours
- 234 arrivants, soit 86% de finishers : y a pire, mais ce n'est vraiment pas rien


Le samedi sera consacré à la balade en famille à Angers. Cela permet de profiter de nos femmes, tout en continuant à débriefer, les étoiles bien les yeux.



327 kilomètres de gravel, c'était difficile de se challenger plus, pour une première participation. Au-delà, on passe sur du bike-packing, la gestion du sommeil avec des contraintes plus fortes d'autonomie matérielle. C'est autre chose. En deça, hormis le tour de Seine-Maritime, ce sont des épreuves ou des cyclos de 100-160 kilomètres. Durant la semaine, je m'interroge donc  :

- Après une telle réussite, qu'est-ce que je fais maintenant ?

Vendredi, j'en échange avec mes IronfriendsA l'heure de l'apéro, le SMS de Quenotte fuse :

- Bah, prends une bière !

Un génie, j'vous dis!


IronLoulou



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* Il y a encore des tas de liens dans ce billet, pour ceux qui en ont l'envie et le temps.